lundi 28 février 2011

Quatre ans après : cha siu sou (叉燒酥)

Désolée, je n'ai pas encore ressorti mes crayons de couleurs...

Ce matin-là, en équilibre précaire sur un tabouret haut, et la sueur coulant dans mon dos (j'avais marché vite pour ne pas être en retard à mon rendez-vous), j'écoutais C. m'expliquer, entre autres choses, la philosophie de son entreprise, les défis à relever dans les mois à venir, et le travail que j'aurais à accomplir au sein de son équipe. J'avais réussi mon unique entretien d'embauche de janvier et ma nouvelle vie allait commencer bientôt... Et bientôt, c'est demain.
Je devrais me réjouir d'avoir retrouvé un travail aussi rapidement, et surtout de pouvoir continuer à exercer ce métier que j'adore, chose que je n'imaginais pas il y a tout juste un an... Ma joie aurait dû être immense... Elle est ternie par la perspective de travailler dans un coin atroce, dont je vous épargnerai la description (et atroce est un euphémisme) : ça me donne trop envie de pleurer.

Alors, durant cette ultime semaine de liberté, il y eut, au Stube, deux currywurst peut-être pas très authentiques mais néanmoins délicieux, un apfelstrudel très réussi, un roulé aux noix qui me rappelle le nussstrudel* que j'adore, ainsi qu'une part énorme de tarte pommes cannelle noix ; une assiette de légumes colorée et super appétissante chez Rose Bakery (avec, évidemment, plein de pain Poujauran tartiné de beurre), un donburi de porc confit et fondant dégusté avec du thé au sarrasin chez Issé (en bonne compagnie, qui plus est), deux parts du flan des amateurs de PH (je confirme que c'est le meilleur), des kouignettes à gogo, un repas en amoureux à l'Agrume (pour une fête secrète), un thé à la menthe accompagné de petits gâteaux à la terrasse de la Grande Mosquée (malgré le froid), une salade de haddock et pommes de terre ainsi qu'une raie pochée avec une sauce aux agrumes et vanille à l'Aromatik, un cocktail Yang Tao (pomme ananas kiwi) de chez Soup & Juice (comme souvent pendant l'année passée), et un pain au chocolat de chez Pouchkine pour mon petit déjeuner de reprise.
Il ne me reste plus qu'à essuyer mes larmes, choisir un nouveau mug et quelques boîtes de thé, et tailler mes crayons pour demain (zut, j'ai oublié de réviser mes expressions régulières...).

Du coup, je ne sais pas ce que je pourrais continuer à raconter par ici... D'autant que c'est un peu la lose côté cuisine. Mes baguettes au levain sont mangeables, mais pas fantastiques : on ne s'improvise pas boulanger du jour au lendemain... Pas plus tard qu'hier, j'ai raté des cha siu baau** à cause d'une pâte à brioche vraiment pas terrible (je n'avais pas la farine appropriée - par ailleurs, je crois que j'ai un vrai problème avec les pâtes levées).


Pour rattraper le coup, j'ai tenté des cha siu sou** (chaussons feuilletés au porc laqué) avec le reste de garniture : bien m'en a pris. Ils sont exquis (bien que très moches).

Pour ces cha siu sou pas forcément très orthodoxes, j'ai repris la recette de la pâte feuilletée au saindoux des dan tat. Très grasse, mais super flaky et ultra rapide à préparer. Mais on peut aussi utiliser de la pâte feuilletée classique au beurre.


Cha siu sou 叉燒酥 (chaussons feuilletés au porc laqué) à ma façon


pour une douzaine de petits chaussons

Pour la garniture au porc laqué (recette trouvée chez Rasa Malaysia) :

A
250 g de cha siu coupé en petits dés (recette ici)
1/2 c.s. d'huile végétale neutre
1 c.s. de sucre en poudre
1 petit oignon finement haché (omis)
1 c.s. de sauce d'huître
1 c.s. de sauce soja
1 c.c. d'huile de sésame
1-2 gouttes de colorant rouge (facultatif)

B
150 ml d'eau
1 1/2 c.s. de maïzena
une pincée de sel


Pour la pâte feuilletée :

Étape 1 (water dough) :
125 g de farine
1/4 d'œuf battu (environ - garder le reste pour dorer les chaussons)
12 g de sucre
6 g de saindoux
40 g d'eau

Étape 2 (oil dough) :

75 g de beurre
125 g de saindoux
100 g de farine

**********

1) La garniture

Faire chauffer un peu d'huile dans une poêle et y faire revenir l'oignon haché.
Ajouter tous les ingrédients en A, mélanger et laisser cuire pendant une minute.
Mélanger l'eau avec la maïzena et le sel, puis ajouter au reste. Mélanger et laisser réduire à feu moyen.
Réserver.




2) La pâte feuilletée

Étape 1 :
Mettre la farine dans un saladier, creuser un puits.
Ajouter le sucre, l'œuf battu, et le saindoux coupé en petits morceaux, mélanger.
Ajouter l'eau et mélanger jusqu'à ce que la pâte forme une boule.
ATTENTION À NE PAS TROP TRAVAILLER LA PÂTE pour éviter qu'elle ne durcisse.
Mettre au frais.

Étape 2
:
Mettre la farine dans un saladier et creuser un puits.
Ajouter le beurre et le saindoux coupés en petits morceaux et mélanger pour former une boule homogène.
IDEM : NE PAS TROP TRAVAILLER LA PÂTE.
Mettre au frais.

Feuilletage :
Au bout d'une heure, sortir les deux pâtes du frigo.
Fariner le plan de travail.
Étaler la n°1 en forme de disque et la n°2 en un carré plus petit.
Poser la n°2 au milieu du disque et rabattre les bords comme suit :


(schéma emprunté ici)

Puis plier en deux comme pour fermer un livre.

Effectuer un tour simple : abaisser la pâte en un rectangle trois fois plus long que large (2), rabattre le tiers inférieur (3), puis le tiers supérieur sur le tiers central (4).
Renouveler l'opération deux fois.
Fariner autant que nécessaire pour éviter que la pâte ne colle au rouleau ou au plan de travail.


(schéma également emprunté ici)

Filmer et réserver au frais environ 1 heure.

3) Assemblage et cuisson

Préchauffer le four à 200 °C.
Sortir la pâte, la découper en douze petits cubes.
Abaisser les cubes en forme de disque (sur un plan de travail bien fariné), déposer une cuillerée de garniture au milieu et refermer le disque en soudant bien les bords.
Déposer les chaussons sur une plaque recouverte de papier cuisson, les dorer avec le reste d'œuf battu, saupoudrer un peu de sésame blond et enfourner le tout environ 30 minutes, jusqu'à ce que les chaussons soient bien dorés.


**********

* Oui, vous avez bien lu, il y a bien trois "s" de suite. C'est normal.
** Je ne connais pas le système de transcription le plus usité pour le cantonais, j'ai choisi — arbitrairement — la romanisation Yale, au lieu de faire des transcriptions fantaisistes.

samedi 19 février 2011

Cinquante-trois pages plus tard (retour de Thaïlande)


Je suis partie là-bas pleine de craintes. Pas assez fortunée pour m'offrir un traitement anti paludéen (dont le prix équivaut à environ 10 bols de udon, ou 3 repas à la Régalade), je m'imaginais que tous les moustiques de Thaïlande m'attendaient de pied ferme pour me faire un sort, alléchés à l'idée de sucer mon sang gras et sucré (ça n'a pas loupé), et que forcément, j'allais contracter le palu et en mourir dans d'atroces et longues souffrances (en fait, je ne connais pas du tout les symptômes, ni les effets du palu). Je ne me suis en revanche pas inquiétée outre mesure pour mon poulet, puisque je suis son anti-moustiques à lui, gratuit et d'une efficacité redoutable qui plus est.
Je m'imaginais aussi que l'ingestion du moindre millilitre d'eau non embouteillée allait me causer d'horribles maux de ventre et je voyais le moindre glaçon comme du poison en cube. Ce qui fait que j'ai bu à peine la moitié de mon premier fruit shake quand j'ai appris qu'il y avait des glaçons mixés dedans (crainte tout à fait infondée).
Alors oui, certains plats dégustés firent un passage accéléré dans nos systèmes digestifs — la vitesse du transit étant proportionnelle au degré de miamitude —, mais nous en sommes rentrés vivants.
Et c'était rudement bien.

Tous les soirs, dans mon lit, et pendant tous les temps morts du voyage, je me suis appliquée à remplir mon carnet et à illustrer autant que possible les souvenirs de tous ces moments passés là-bas.
Où l'on voit de façon flagrante mon obsession pour tout ce qui se mange.
Où l'on voit également la piètre qualité littéraire de mes notes de voyage, mais après tout, il ne s'agit que d'un carnet de souvenirs tout à fait personnel et conçu de façon spontanée (pour une fois).

Quelques pages du carnet, donc, en attendant les photos...















À mon retour, ravissement suprême face aux températures clémentes d'ici (35 °C à l'ombre n'est pas ce que j'appelle une température "clémente"). Finis le visage luisant et la sensation d'être toute poisseuse dès 10h du matin. Ravissement suprême donc, même si je suis un poil frigorifiée, que mes ongles gelés ont la fâcheuse tendance à prendre la couleur de mes mitaines (ça fait un peu peur à voir), et que mon organisme n'a pas tenu le choc. C'est en tombant malade pourtant que je me suis recalée à l'heure parisienne (mais durant une semaine, j'ai vécu en décalé : en pleine forme dès 3h du matin et hors-service après l'heure du goûter).

Le premier sandwich Cosi (un Cheesy English, trop bon !) et la première glace Grom (mela & fior di latte) furent fort appréciés (d'autant que la boutique était déserte). Et au hasard de nos balades, nous avons découvert les divines (ou diaboliques ?) kouignettes de monsieur Larnicol, et je peux vous dire que j'en reparlerai. Elles se dégustent un peu réchauffées, c'est comme ça qu'elles sont les meilleures, toutes suintantes de beurre. De plus, ces kouignettes sont en libre-service ; vous choisissez celles que vous voulez et dans la quantité qui vous sied. Les passants qui s'arrêtent devant la vitrine et vous voient remplir votre sachet de kouignettes avec gourmandise ne pourront qu'avoir envie de vous imiter.


Il y eut aussi des macarons Hermé ainsi que de sublimes wagashi. Ces derniers se passent de commentaires.


Et puis comme j'ai ENFIN trouvé un usage à mes cahiers et carnets, je me suis offert un sublime carnet en cuir bordeaux, avec mon nom gravé dans un coin (c'est un peu mégalo, je vous le concède, mais je n'ai pas résisté quand le monsieur qui les fabrique me l'a gentiment proposé).

Enfin, un soir, vers 18h, sur le pont de l'Alma : le ciel légèrement brumeux et à peine teinté de rose autour de la Tour Eiffel était d'une beauté à couper le souffle.