Ce matin-là, en équilibre précaire sur un tabouret haut, et la sueur coulant dans mon dos (j'avais marché vite pour ne pas être en retard à mon rendez-vous), j'écoutais C. m'expliquer, entre autres choses, la philosophie de son entreprise, les défis à relever dans les mois à venir, et le travail que j'aurais à accomplir au sein de son équipe. J'avais réussi mon unique entretien d'embauche de janvier et ma nouvelle vie allait commencer bientôt... Et bientôt, c'est demain.
Je devrais me réjouir d'avoir retrouvé un travail aussi rapidement, et surtout de pouvoir continuer à exercer ce métier que j'adore, chose que je n'imaginais pas il y a tout juste un an... Ma joie aurait dû être immense... Elle est ternie par la perspective de travailler dans un coin atroce, dont je vous épargnerai la description (et atroce est un euphémisme) : ça me donne trop envie de pleurer.
Alors, durant cette ultime semaine de liberté, il y eut, au Stube, deux currywurst peut-être pas très authentiques mais néanmoins délicieux, un apfelstrudel très réussi, un roulé aux noix qui me rappelle le nussstrudel* que j'adore, ainsi qu'une part énorme de tarte pommes cannelle noix ; une assiette de légumes colorée et super appétissante chez Rose Bakery (avec, évidemment, plein de pain Poujauran tartiné de beurre), un donburi de porc confit et fondant dégusté avec du thé au sarrasin chez Issé (en bonne compagnie, qui plus est), deux parts du flan des amateurs de PH (je confirme que c'est le meilleur), des kouignettes à gogo, un repas en amoureux à l'Agrume (pour une fête secrète), un thé à la menthe accompagné de petits gâteaux à la terrasse de la Grande Mosquée (malgré le froid), une salade de haddock et pommes de terre ainsi qu'une raie pochée avec une sauce aux agrumes et vanille à l'Aromatik, un cocktail Yang Tao (pomme ananas kiwi) de chez Soup & Juice (comme souvent pendant l'année passée), et un pain au chocolat de chez Pouchkine pour mon petit déjeuner de reprise.
Il ne me reste plus qu'à essuyer mes larmes, choisir un nouveau mug et quelques boîtes de thé, et tailler mes crayons pour demain (zut, j'ai oublié de réviser mes expressions régulières...).
Du coup, je ne sais pas ce que je pourrais continuer à raconter par ici... D'autant que c'est un peu la lose côté cuisine. Mes baguettes au levain sont mangeables, mais pas fantastiques : on ne s'improvise pas boulanger du jour au lendemain... Pas plus tard qu'hier, j'ai raté des cha siu baau** à cause d'une pâte à brioche vraiment pas terrible (je n'avais pas la farine appropriée - par ailleurs, je crois que j'ai un vrai problème avec les pâtes levées).
Pour rattraper le coup, j'ai tenté des cha siu sou** (chaussons feuilletés au porc laqué) avec le reste de garniture : bien m'en a pris. Ils sont exquis (bien que très moches).
Pour ces cha siu sou pas forcément très orthodoxes, j'ai repris la recette de la pâte feuilletée au saindoux des dan tat. Très grasse, mais super flaky et ultra rapide à préparer. Mais on peut aussi utiliser de la pâte feuilletée classique au beurre.
Cha siu sou 叉燒酥 (chaussons feuilletés au porc laqué) à ma façon
pour une douzaine de petits chaussons
Pour la garniture au porc laqué (recette trouvée chez Rasa Malaysia) :
A
250 g de cha siu coupé en petits dés (recette ici)
1/2 c.s. d'huile végétale neutre
1 c.s. de sucre en poudre
1 petit oignon finement haché (omis)
1 c.s. de sauce d'huître
1 c.s. de sauce soja
1 c.c. d'huile de sésame
1-2 gouttes de colorant rouge (facultatif)
B
150 ml d'eau
1 1/2 c.s. de maïzena
une pincée de sel
Pour la pâte feuilletée :
Étape 1 (water dough) :
125 g de farine
1/4 d'œuf battu (environ - garder le reste pour dorer les chaussons)
12 g de sucre
6 g de saindoux
40 g d'eau
Étape 2 (oil dough) :
75 g de beurre
125 g de saindoux
100 g de farine
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1) La garniture
Faire chauffer un peu d'huile dans une poêle et y faire revenir l'oignon haché.
Ajouter tous les ingrédients en A, mélanger et laisser cuire pendant une minute.
Mélanger l'eau avec la maïzena et le sel, puis ajouter au reste. Mélanger et laisser réduire à feu moyen.
Réserver.
2) La pâte feuilletée
Étape 1 :
Mettre la farine dans un saladier, creuser un puits.
Ajouter le sucre, l'œuf battu, et le saindoux coupé en petits morceaux, mélanger.
Ajouter l'eau et mélanger jusqu'à ce que la pâte forme une boule.
ATTENTION À NE PAS TROP TRAVAILLER LA PÂTE pour éviter qu'elle ne durcisse.
Mettre au frais.
Étape 2 :
Mettre la farine dans un saladier et creuser un puits.
Ajouter le beurre et le saindoux coupés en petits morceaux et mélanger pour former une boule homogène.
IDEM : NE PAS TROP TRAVAILLER LA PÂTE.
Mettre au frais.
Feuilletage :
Au bout d'une heure, sortir les deux pâtes du frigo.
Fariner le plan de travail.
Étaler la n°1 en forme de disque et la n°2 en un carré plus petit.
Poser la n°2 au milieu du disque et rabattre les bords comme suit :
(schéma emprunté ici)
Puis plier en deux comme pour fermer un livre.
Effectuer un tour simple : abaisser la pâte en un rectangle trois fois plus long que large (2), rabattre le tiers inférieur (3), puis le tiers supérieur sur le tiers central (4).
Renouveler l'opération deux fois.
Fariner autant que nécessaire pour éviter que la pâte ne colle au rouleau ou au plan de travail.
(schéma également emprunté ici)
Filmer et réserver au frais environ 1 heure.
3) Assemblage et cuisson
Préchauffer le four à 200 °C.
Sortir la pâte, la découper en douze petits cubes.
Abaisser les cubes en forme de disque (sur un plan de travail bien fariné), déposer une cuillerée de garniture au milieu et refermer le disque en soudant bien les bords.
Déposer les chaussons sur une plaque recouverte de papier cuisson, les dorer avec le reste d'œuf battu, saupoudrer un peu de sésame blond et enfourner le tout environ 30 minutes, jusqu'à ce que les chaussons soient bien dorés.
* Oui, vous avez bien lu, il y a bien trois "s" de suite. C'est normal.
** Je ne connais pas le système de transcription le plus usité pour le cantonais, j'ai choisi — arbitrairement — la romanisation Yale, au lieu de faire des transcriptions fantaisistes.