J'aurais voulu faire preuve d'originalité cette année, et vous raconter un repas d'anniversaire réussi ailleurs qu'à la Régalade... mais c'est raté.
J'avais choisi d'aller chez l'Ami Jean avec mon poulet, curieuse de goûter la cuisine d'un Stéphane Jégo dont je n'avais entendu que du bien. Je m'en réjouissais d'avance... non, je trépignais d'impatience. Mais nous avons tous deux été déçus.Certes, la fleur des sables de saumon accompagnée de son morceau de bœuf fondant ainsi que le cochon de lomo et sa purée crémeuse étaient bons, mais j'ai trouvé que le chef avait la main lourde sur le sel : tout était trop salé. Le fameux riz au lait était accompagné d'un mélange divin de pistaches, noix et amandes caramélisées et, de plus, servi en quantité gargantuesque — on vous pose un bol immense sur la table, avec une cuillère en bois plantée en son milieu, et vous en prenez autant que vous voulez, sachant qu'il y en a assez pour quatre personnes au moins. Mais je vais chipoter à cause des "grumeaux" de riz, pas forcément très agréables en bouche...
Pourtant, ce n'est rien par rapport aux deux choses qui m'ont le plus gênée :
1) L'ambiance bouffe-entre-potes-tout-le-monde-connaît-tout-le-monde, le défilé incessant des proches/amis/adorateurs du chef pour le féliciter en cuisine, avec force embrassades, le bichonnage et le soin extrême apporté au dressage de leurs assiettes (une rondelle de machin par-ci, un morceau de truc par-là), quand vous constatez que dans la vôtre, d'assiette, il y a juste le strict minimum. Pas de rondelle de machin, ni de morceau de truc. De quoi vous donner l'impression d'être un client au rabais. Vous vous demandez un peu ce que vous faites là, du coup.
2) L'acharnement du chef sur l'un de ses commis, auquel nous avons été forcés d'assister durant la moitié du repas, car nous étions installés tout près de la cuisine. Il n'y a rien de tel pour vous gâcher un repas, fût-il exquis. Je sais à quel point l'atmosphère peut être tendue en cuisine parfois et qu'il est nécessaire de recadrer ceux qui font des erreurs, mais en l'occurrence, le choix d'une cuisine ouverte est-il pertinent ? Voir et entendre un employé se faire humilier de la sorte, ça jure un peu avec l'ambiance conviviale du lieu.
Par ailleurs, la note aussi est un peu salée — 42 € le menu du jour, je vous laisse imaginer les prix à la carte —, donc pour toutes ces raisons, je ne suis pas sûre d'avoir envie d'y retourner.
Dommage.
Heureusement, la veille, il y avait quand même eu un dîner à la Régalade, un dîner de double anniversaire avec Crevette — le mien et le nôtre, vingt ans d'amitié depuis notre rencontre au lycée. Et ce fut parfait, comme toujours. Générosité de la terrine, cuisson impeccable des poissons, justesse des assaisonnements, harmonie des saveurs, ambiance décontractée et service affable... Alors, c'est vrai que la carte ne se renouvelle pas beaucoup et que l'on tourne toujours un peu autour des mêmes plats, mais le plus important est de se régaler et de passer un bon moment, non ?
Mon entrée : fantastique ! Le thon rouge snacké sur son lit de caviar d'aubergine, la petite salade d'herbes aromatiques, le filet de sauce... J'en aurais voulu encore et encore. J'ai aussi goûté l'entrée de Crevette, le risotto à l'encre de seiche, avec ses petits morceaux de gambas et d'ail frit. Pas mal du tout.
Une magnifique pièce de cabillaud, tendre, nacrée. Des pommes de terre cuites au bouillon, fondantes. La présence de fromage est déconcertante au premier abord, mais l'ensemble fonctionne bien. C'est très bon.
Pour une fois, je n'ai pas pris le riz au lait, parce que l'Ami Jean le lendemain, mais je n'ai pas eu de regret : le crumble était tout à fait à la hauteur. Le côté un peu salé de la glace — était-ce vraiment un sorbet ? — contrebalançait bien le sucré du crumble.
Serez-vous surpris si je vous dis que la Régalade reste mon restaurant préféré de la terre, mon restaurant doudou, et que désormais, je ne souhaite plus fêter mon anniversaire ailleurs ?
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Il y a quelques semaines, suite à la lecture de ce billet et à des discussions sur l'orthodoxie de la Sachertorte, j'ai eu une soudaine et irrépressible envie de retrouver le goût de la vraie Sachertorte de là-bas, avec son glaçage qui fait une sorte de croûte chocolatée très sucrée. En quelques clics, comme ça, pour voir, une commande fut passée chez Demel, et moins d'une semaine plus tard, la Sachertorte Gr. 3 arrivait dans ma boîte aux lettres. Vous ne trouvez pas ça dingue ?
J'avoue que je me suis fait plaisir, parce que je sais que je n'en mangerai pas en contexte avant longtemps... et qu'avoir un petit goût de Vienne chez soi, c'est mieux que rien.
On peut aussi la commander sur la boutique en ligne de l'Hotel Sacher — je l'ai déjà fait, et les deux versions se valent.
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Et puis, j'ai enfin trouvé le courage de me lancer dans la confection d'un entremets que je voulais faire l'année dernière déjà : le Yu de Pierre Hermé selon Loukoum°°°, que j'avais eu la chance de goûter suite à cette escapade à Strasbourg. En revanche, je n'ai pas du tout le courage de recopier la recette, qui fait des kilomètres. Vous pouvez vous fier aux instructions de Loukoum°°° : elle sait ce qu'elle fait.
L'entremets, dont la préparation nécessita quasiment une journée, fut dégusté en famille, lors d'un triple anniversaire... J'étais très heureuse de voir mes cousins, ma plus-si-petite Nini, mon petit glouton de M., qui est accro au pain et aux bananes — plus tard, il faudra que je lui fasse goûter mon pain préféré et que je mette la main sur une bonne recette de banana bread pas trop riche ; d'ailleurs, cette recette me tente bien...
Et puis, déluge de cadeaux, livres à gogo...
C'était tellement chouette que j'ai même oublié, le temps de cet anniversaire, dans quel pétrin je me trouve en ce moment.