jeudi 8 novembre 2012

I'm older now



Octobre a filé comme l'éclair. Éblouissant, inoubliable.
Mais comment raconter ces dernières semaines sans sombrer dans l'auto-satisfaction, puisque mes derniers tourments ont disparu et que je baigne à présent dans un bonheur indécent ? Mercredi dernier, ma période d'essai touchait à sa fin, je décrochais enfin mon Graal. Depuis, je n'ai plus aucune raison de geindre — ce que j'ai abondamment fait sur ces pages, j'avoue — mais plus grand chose à raconter non plus par la même occasion. Normalement, dans un film, le mot "FIN" s'afficherait à l'écran, et on s'arrêterait là.
Et pourtant, il y eut des torrents de larmes pendant la séance de Camille redouble. J'ai un peu honte, mais je crois qu'il est juste impossible ne pas être bouleversé par ce que vit Camille dans le film : la possibilité de retrouver subitement vivants, intacts, devant soi, des choses et des êtres tant chéris et qui ne sont plus ; mais aussi le retour à un âge où l'on a toute la vie devant soi et où tout est encore possible. Revivre son adolescence muni de l'expérience et de la sagesse de l'âge, qui ne le souhaiterait pas ? Je suis sortie du cinéma les yeux bouffis, mais reconnaissante envers Noémie Lvovsky de m'avoir offert tout cela à travers son personnage. Pour les nostalgiques comme moi, ce film est un merveilleux cadeau.
Il y eut aussi des larmes — décidément ! — pendant la lecture des dernières pages de L'œuvre au noir. Si vous l'avez lu, vous saurez de quoi je veux parler : le texte est d'une force et d'une beauté inouïes. C'est grâce à ce texte, ce livre, que j'ai véritablement retrouvé le plaisir de la lecture, dix ans après l'avoir perdu.
Alors oui, des larmes, beaucoup, parce que ce sont les choses les plus belles et les plus bouleversantes qu'il m'ait été donné de voir et de lire cette année.
J'aurais pu verser une larme aussi le jour de mes trente-six ans, au moment où, revenant de ma pause déjeuner, j'ai vu sur mon bureau un gâteau avec une bougie, des bonbons et un bouquet de fleurs de la part de mes collègues ; mais non, j'ai su me tenir. Je crois que j'ai trouvé l'endroit idéal où finir mes jours — car, soyons lucides, les gens qui décrochent un premier emploi stable à trente-six ans n'auront évidemment jamais de retraite — quand je pense à certaines de mes collègues, jeunes, brillantes, pleines de succès et déjà si épanouies, je les envie. En attendant la fin des jours, donc, je n'ai rien contre le fait de continuer à apporter des gâteaux au bureau, d'aller manger des burgers ou des udon avec des collègues, d'être invitée à des pendaisons de crémaillère-Halloween chez certaines, ou de m'initier à la céramique avec d'autres...
Ce jour-là, comme je n'avais pas réussi à avoir de table chez Septime, je me suis rabattue sur un autre restaurant que je connaissais mais que je mourais d'envie de découvrir dans sa version du soir : tapas et saké. Je n'aurais pas pu mieux choisir. Nous avons passé une soirée délicieuse à picorer dans les plats qui ont défilé les uns après les autres. C'est l'aubergine mijotée qui a ouvert le bal : arrivée cachée, camouflée sous les copeaux de bonite, l'air de rien, elle nous a surpris par son fondant extraordinaire. Et le reste du repas fut tout aussi éblouissant : l'avocat mûr à point relevé par une huile pimentée, l'anguille caramélisée luisante, les croquettes de pomme de terre croustillantes, bien chaudes, et surtout régressives, de même que le tonkatsu, et puis la fraîcheur de la daurade... Seules les saint-jacques et les gambas ne m'ont pas laissé de souvenir impérissable, mais difficile de parler de déception. Ce fut un festin, porté par une joie : celle de voir les nuages noirs s'éloigner pour de bon.

Izakaya Issé - Bistrot à saké par Issé
45, rue de Richelieu
75001 Paris
01 42 96 26 60
M° Pyramides ou Palais Royal
Ouvert du lundi au samedi, de 12h à 14h et de 19h à 23h

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P. S. : La prochaine fois, promis, il y aura une recette.