lundi 10 décembre 2012

Dans le vent glacé (couronne salée au fromage et aux lardons)


Le matin, quand je sors de mon long trajet en métro, les aiguilles de Trinité m'indiquent invariablement que je suis en retard. Je hâte alors le pas, slalomant entre gens pressés et touristes nonchalants. Les longues journées de travail se suivent, et se ressemblent un peu. Une fois l'incroyable euphorie retombée, j'ai enfin retrouvé — rassurée — mon vrai moi, un peu mélancolique et très nostalgique.
Si j'en juge par les réflexions de Camille, j'ai actuellement des occupations de grand-mère, entre le club de lecture, où les derniers débats furent agrémentés de rillettes de sardines maison, de chips et de gougères soigneusement choisies pour l'apéritif, de plats cuisinés amoureusement et de gâteaux épatants — je n'ai cessé d'assommer mon entourage avec l'évocation de ce gâteau au chocolat que j'ai apporté, un gâteau très peu sucré, d'une finesse et d'une légèreté invraisemblables pour un gâteau au chocolat, et au pouvoir d'écœurement proche de zéro —, entre le club de lecture donc, et les séances de poterie, qui m'ont permis de fabriquer deux petits bols à matcha de A à Y — du tournage/modelage à l'émaillage — ainsi qu'une petite cuillère façon Caroline Gomez. Je ne veux pas balancer, mais Camille n'a eu aucun mal à me suivre dans ces activités du troisième âge — quelle ouverture d'esprit.
Parfois, il m'arrive d'enlever mon costume de mémé pour aller faire ma midinette dans des festivals rock. Est-il besoin de préciser pour quels beaux yeux je peux me déplacer un dimanche soir d'armistice, au lieu de boire une tisane bien au chaud sous un plaid à carreaux ?

Un des plus mémorables moments de novembre fut cette soirée chez Septimeencore ! oui, je sais. Je n'aime toujours pas les huîtres, ni le fenouil, mais la révélation de ce repas, hormis le doublon des Pyrénées, fut ces petits choux de Bruxelles caramélisés jusqu'au ratatinement, presque noirs, et que l'on savoure comme des bonbons. Ah, que j'ai hâte d'y retourner !
Au quotidien, je continue à me nourrir de lunchboxes, de soupes et de super sandwiches. Comme vous l'avez peut-être vu ici, il y a parfois dans mes lunchboxes un morceau de brioche au fromage et aux lardons, vraiment top pour accompagner des salades, des légumes ou une soupe. Je ne comprends pas comment je n'en ai pas parlé plus tôt alors que cela fait plus d'un an que j'ai adopté cette recette trouvée chez Loukoum°°°.

Couronne salée au fromage et aux lardons
(adaptée d'une recette de Fidji trouvée chez Loukoum°°°)


Pour la pâte :
15 g de levure fraîche
225 ml de lait demi écrémé (pas trop froid)
30 g de sucre
375 g de farine
7 g de sel fin
60 g de beurre ramolli

Pour la garniture :
200 g de fromage frais (ici : du Philadelphia)
100 g de lardons
un œuf
un peu de poivre du moulin

Délayer la levure dans le lait, ajouter le sucre. Réserver.
Mélanger la farine, le sel et le beurre. Mélanger puis pétrir longuement.
Façonner une boule de pâte, la mettre dans un saladier recouvert d'un film transparent.
Laisser lever. La pâte doit quasiment doubler de volume.

Sur un plan de travail fariné, étaler la pâte en un rectangle de 30 x 40 cm au moins.
Y tartiner le fromage frais, ajouter le fromage râpé et les lardons.
Rouler la pâte dans la longueur afin d'obtenir un rouleau.
Découper ensuite ce rouleau en deux dans le sens de la longueur.
On obtient deux boudins avec la garniture fromage-lardons qui sort un peu partout.
Tresser les deux boudins en gardant l'ouverture de chaque boudin vers le haut (technique en images ici).
Laisser lever au moins 1h à l'abri des courants d'air.

Préchauffer le four à 200 °C.
Battre l'œuf, le badigeonner sur la couronne, et ajouter un peu de poivre.
Cuire 30 à 40 minutes (si la couronne dore trop vite, la recouvrir de papier aluminium pendant la cuisson).

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P. S. :  Cette fois-ci, une recette mais pas de dessin. Je suis trop fatiguée — et paresseuse — pour tenir un crayon en ce moment. J'en viens même à me demander si j'aurai l'énergie de faire des Weihnachtskekse cette année... Mais la prochaine fois, je vous parlerai peut-être d'une parenthèse éclair à Vienne en ce début d'Avent — tellement éclair que je me demande si je ne l'ai pas rêvée...

jeudi 8 novembre 2012

I'm older now



Octobre a filé comme l'éclair. Éblouissant, inoubliable.
Mais comment raconter ces dernières semaines sans sombrer dans l'auto-satisfaction, puisque mes derniers tourments ont disparu et que je baigne à présent dans un bonheur indécent ? Mercredi dernier, ma période d'essai touchait à sa fin, je décrochais enfin mon Graal. Depuis, je n'ai plus aucune raison de geindre — ce que j'ai abondamment fait sur ces pages, j'avoue — mais plus grand chose à raconter non plus par la même occasion. Normalement, dans un film, le mot "FIN" s'afficherait à l'écran, et on s'arrêterait là.
Et pourtant, il y eut des torrents de larmes pendant la séance de Camille redouble. J'ai un peu honte, mais je crois qu'il est juste impossible ne pas être bouleversé par ce que vit Camille dans le film : la possibilité de retrouver subitement vivants, intacts, devant soi, des choses et des êtres tant chéris et qui ne sont plus ; mais aussi le retour à un âge où l'on a toute la vie devant soi et où tout est encore possible. Revivre son adolescence muni de l'expérience et de la sagesse de l'âge, qui ne le souhaiterait pas ? Je suis sortie du cinéma les yeux bouffis, mais reconnaissante envers Noémie Lvovsky de m'avoir offert tout cela à travers son personnage. Pour les nostalgiques comme moi, ce film est un merveilleux cadeau.
Il y eut aussi des larmes — décidément ! — pendant la lecture des dernières pages de L'œuvre au noir. Si vous l'avez lu, vous saurez de quoi je veux parler : le texte est d'une force et d'une beauté inouïes. C'est grâce à ce texte, ce livre, que j'ai véritablement retrouvé le plaisir de la lecture, dix ans après l'avoir perdu.
Alors oui, des larmes, beaucoup, parce que ce sont les choses les plus belles et les plus bouleversantes qu'il m'ait été donné de voir et de lire cette année.
J'aurais pu verser une larme aussi le jour de mes trente-six ans, au moment où, revenant de ma pause déjeuner, j'ai vu sur mon bureau un gâteau avec une bougie, des bonbons et un bouquet de fleurs de la part de mes collègues ; mais non, j'ai su me tenir. Je crois que j'ai trouvé l'endroit idéal où finir mes jours — car, soyons lucides, les gens qui décrochent un premier emploi stable à trente-six ans n'auront évidemment jamais de retraite — quand je pense à certaines de mes collègues, jeunes, brillantes, pleines de succès et déjà si épanouies, je les envie. En attendant la fin des jours, donc, je n'ai rien contre le fait de continuer à apporter des gâteaux au bureau, d'aller manger des burgers ou des udon avec des collègues, d'être invitée à des pendaisons de crémaillère-Halloween chez certaines, ou de m'initier à la céramique avec d'autres...
Ce jour-là, comme je n'avais pas réussi à avoir de table chez Septime, je me suis rabattue sur un autre restaurant que je connaissais mais que je mourais d'envie de découvrir dans sa version du soir : tapas et saké. Je n'aurais pas pu mieux choisir. Nous avons passé une soirée délicieuse à picorer dans les plats qui ont défilé les uns après les autres. C'est l'aubergine mijotée qui a ouvert le bal : arrivée cachée, camouflée sous les copeaux de bonite, l'air de rien, elle nous a surpris par son fondant extraordinaire. Et le reste du repas fut tout aussi éblouissant : l'avocat mûr à point relevé par une huile pimentée, l'anguille caramélisée luisante, les croquettes de pomme de terre croustillantes, bien chaudes, et surtout régressives, de même que le tonkatsu, et puis la fraîcheur de la daurade... Seules les saint-jacques et les gambas ne m'ont pas laissé de souvenir impérissable, mais difficile de parler de déception. Ce fut un festin, porté par une joie : celle de voir les nuages noirs s'éloigner pour de bon.

Izakaya Issé - Bistrot à saké par Issé
45, rue de Richelieu
75001 Paris
01 42 96 26 60
M° Pyramides ou Palais Royal
Ouvert du lundi au samedi, de 12h à 14h et de 19h à 23h

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P. S. : La prochaine fois, promis, il y aura une recette.

vendredi 28 septembre 2012

Un rêve (des lunchboxes)


Je ne sais par quoi commencer.

Si on m'avait dit un jour que la vie pouvait être aussi chouette, que le nirvana pouvait être direct en métro — et si près du Lafayette Gourmet ! —, je ne me serais sans doute pas tant rongé les sangs au commencement de ma vie d'adulte. Ni même après. En tout cas, quand je parlais du métier de mes rêves, je n'exagérais point du tout — à l'école primaire, les exercices de grammaire où il fallait souligner le verbe, le sujet, les compléments, faisaient déjà partie de mes activités favorites...
Une fois passée la surprise de voir des collègues geeks travailler et circuler en chaussettes dans l'open space, je dois dire que tout est absolument parfait — il faut juste veiller à ne pas trop bouger votre fauteuil à roulettes quand un de ces collègues en chaussettes vient vous aider à résoudre un problème. Quoi qu'il en soit, je n'aurais pas pu mieux tomber, car notre coin est régulièrement approvisionné tantôt en fruits, tantôt en tablettes de chocolat ou en bonbons ; c'est donc un véritable plaisir d'apporter des gâteaux maison et de les partager avec tout ce petit monde.

La seule ombre au tableau, c'est ce terrible blocage dès qu'il s'agit d'aligner trois mots d'anglais à l'oral, et ce réflexe de vouloir prendre mes jambes à mon cou quand une collègue anglophone me demande juste gentiment comment ça va — alors que je ne demande qu'à sympathiser. Autant dire que je ne suis pas une publicité convaincante pour l'anglais en LV2.
Ni pour l'allemand en LV1, en fait, parce que si je peux dire sans ciller "Cour Constitutionnelle Fédérale" (Bundesverfassungsgericht), "effet de distanciation" (Verfremdungseffekt), "Art dégénéré" (Entartete Kunst) ou encore "Saint-Empire romain germanique" (Heiliges Römisches Reich), je suis incapable de dire correctement "Il y a du sucre dedans" (Es ist Zucker drin) en parlant de la composition d'un plat — il s'agissait en l'occurrence d'un bento taïwanais, mangé lors d'une sortie déjeuner avec des collègues amatrices de boba (sic) ; mais de temps à autre, malgré la fatigue, le manque de sommeil, malgré le carnet de chèques déjeuner, je ne résiste pas au plaisir de me composer des lunchboxes, comme au bon vieux temps.











samedi 25 août 2012

Une vie nouvelle



Je n'ai pas vu le temps passer.
Après l'Islande, la vie a vite repris son cours. La piscine, les journées de travail sur le canapé avec l'ordinateur sur les genoux, les cafés, les séances de cinéma... Je suis allée manger des udon chez Sanukiya un nombre incalculable de fois, avec plein d'amis différents, j'ai raconté l'Islande sous toutes les coutures, passé des heures entières chez Kooka Boora. Puis un jour, après la réunion hebdomadaire traditionnelle et le repas à la cantine (une salle grandiose qui fait face à l'Opéra), il a fallu dire au revoir aux collègues, non sans un petit pincement au cœur.
Une page se tournait à nouveau.

Pour (re-)fêter cela, je me suis fait plaisir en retournant chez Septime. Ce fut, une fois de plus, un festin. Je ne trouve pas les mots tant la cuisine de Bertrand Grébaut touche au sublime. Prenez cette assiette de bonite, comment ne pas être ému devant tant de beauté et de délicatesse ? Comment ne pas l'être doublement quand ces saveurs s'accordent avec une telle harmonie ? Pour continuer à être éblouie encore et encore, je forme le vœu que Septime ait une belle et longue vie.

La mienne, de vie, a pris une nouvelle tournure le 1er août 2012. Munie d'un joli mug pour le thé, et un autre pour le café, de bonbons suisses au sureau, de digestives, de biscuits fourrés au chocolat et d'une boîte des meilleurs shortbreads qui soient, j'ai repris le chemin du travail, et pas n'importe lequel : celui dont j'ai toujours rêvé. Celui qui me permet de vivre d'une passion (la linguistique), dans un quartier adoré (j'ai encore du mal à réaliser que je peux aller au Lafayette Gourmet ou chez Landemaine TOUS les jours si je veux), et dans un environnement multilingue (je ne me remets pas du bonheur de pouvoir pratiquer deux langues étrangères TOUS les jours ; du moins en théorie, parce qu'en pratique, mon anglais est terriblement rouillé ; et mon allemand aussi, pour dire la vérité).
Pour respecter la coutume, il a fallu organiser un "pot d'arrivée" : l'occasion idéale d'apporter plein de gâteaux faits maison. L'occasion de valider définitivement ces brownies découverts chez David Lebovitz, et que je fais inlassablement depuis des mois. Il n'en est pas resté une miette (il y eut aussi des amaretti et une tarte aux abricots et aux amandes qui fut sans doute my best tart ever).

Brownies sans gluten de David Lebovitz (recette originale ici)


pour un moule rectangulaire de 20 x 30 cm

125 g de beurre doux
335 g de chocolat noir
160 g de sucre blond de canne
3 œufs
1,5 c.s. de cacao en poudre non sucré (style Van Houten)
45 g de maïzena
150 g de noix de pécan/noisettes/amandes concassées (facultatif, pas mis)

Préchauffer le four à 180 °C.
Dans un grand saladier, faire fondre le chocolat et le beurre (bain-marie ou micro-ondes).
Pendant ce temps, tapisser un moule rectangulaire de papier cuisson.
Une fois le mélange beurre-chocolat fondu, ajouter le sucre et mélanger.
Ajouter les œufs un à un, en mélangeant bien entre chaque.
Ajouter le cacao et la maïzena (tamisés ou non) et — c'est là le point crucial de la recette — mélanger vigoureusement pendant au moins une minute : l'appareil, au départ granuleux, doit devenir lisse. N'hésitez pas à bien bien mélanger, car si vous sautez cette étape, vous obtiendrez des brownies qui s'effriteront — c'est ce qui m'est arrivé un jour où j'ai oublié cette consigne.
Verser l'appareil dans le moule et enfourner pendant 30 minutes environ. Une pointe de couteau doit ressortir quasi sèche.
Laisser refroidir et mettre au frais pendant plusieurs heures.
Sortir du frigo environ une heure avant dégustation.

Voilà comment l'oisiveté estivale, la mélancolie et les questionnements habituels ont laissé place à des journées plus que remplies (et harassantes). Je n'ai pas encore trouvé le temps de retourner au cinéma (le dernier film que j'ai vu, sur les conseils de Camille, c'est une histoire d'amour et d'attente interminable de l'être aimé, tourné dans un noir et blanc magnifique), mais de nouvelles habitudes s'installent : les longues séances de lecture durant les trajets quotidiens en métro, les innombrables visites au Pret A Manger de l'avenue de France, où les sandwiches et le personnel sont exquis (si vous aviez pu assister à la discussion que j'ai eue avec un serveur qui a vécu à Reykjavík et parle islandais), les soirées Downton Abbey (qui font suite aux cinq saisons de Mad Men, avalées en quelques mois), les apéros de Pata Negra, les soirées pique-niques burger-frites du Camion qui fume sur les marches de la BnF, face à la Seine (lors d'une de ces soirées, j'ai croisé avec joie une amie thésarde également amoureuse des bonnes choses).

Enfin voilà, une nouvelle vie commence.

jeudi 12 juillet 2012

Emotional landscapes*



Dans notre petite Chevrolet couleur de mousse, nous avons sillonné la côte sud de l'Islande durant une semaine. 
Nous avons traversé des champs de fleurs, de lave, de mousse, de cailloux, à perte de vue, et croisé infiniment plus de chevaux et de moutons que d'êtres humains sur notre chemin.
À Þingvellir, nous avons été sauvés de la faim grâce à des crackers au fromage et aux graines de courge ainsi qu'une boîte de conserve de La Belle-Iloise — pourtant glissés sans grande conviction dans nos valises. Ce soir-là, la soupe à l'agneau eut une saveur particulièrement réconfortante.
Nous sommes tombés en extase devant la beauté de Jökulsárlón et ses innombrables nuances de bleu et de gris. La rencontre avec un phoque sur sa mini-banquise fut un moment de joie inattendu et magique.
Nous nous sommes amusés à observer pendant de longues minutes les allers-retours des petits macareux entre les falaises et la mer à Dyrhólaey.
Nous avons marché au milieu des névés et des fumerolles à Landmannalaugar. Là-bas, en me dévêtant pour la baignade, j'ai perdu la clé de ma valise au fond de la source chaude — sans m'en rendre compte, évidemment.
Nous nous sommes régalés de soupes, de langoustines, de poissons à la chair délicate, de baleine grillée — c'est mal, je sais —, d'agneau tendre, de burgers savamment composés et de hot-dogs pas très islandais. Mais le plus délicieux, le plus renversant, c'étaient le skyr à la myrtille, et surtout, surtout, les tartines beurrées de rúgbrauð une sorte de soda bread au seigle déguisé en cake et légèrement sucré. Un pain de folie.
Nous avons échangé quelques mots avec un Russe qui parcourait l'Islande à vélo et qui avait fait la même chose en France dix ans auparavant, un étudiant en sciences politiques qui s'apprêtait à quitter la capitale islandaise après deux mois de stage, la jeune Berglind, qui nous a aidés à scier le cadenas de ma valise, et un père de famille suédois croisé plusieurs fois sur la route.















À l'approche de Reykjavík, en voyant les montagnes s'éloigner, j'ai eu un pincement au cœur. Tous ces paysages allaient me manquer.
Mais Reykjavík, sa douceur et sa nonchalance estivale, c'était drôlement bien aussi.











* Je crois que je n'écouterai plus jamais Björk ou Sigur Rós de la même façon.

mercredi 20 juin 2012

Youpi & Voilà ! (tout simplement)


Ces derniers temps, les journées de travail furent entrecoupées de séances de piscine, de cueillettes de framboises au parc — les premières de l'année, que l'on découvre avec surprise et ravissement —, de séances de cinéma rue Champollion, et aussi d'escapades dans mon café préféré du moment, qui se défend bien en cafés mais aussi en scones, cookies et cakes.
J'ai vu des films étranges, intriguants, le genre de film qui ne sort pas de votre esprit quand vous quittez la salle. Le destin de Cesare, le plombier romain de I giorni contati, m'a laissée songeuse — échappe-t-on jamais à sa condition ? Celui de Jimmy Angelelli de Fingers, tiraillé entre sa passion immodérée pour la musique — au point qu'il ne se sépare jamais de son encombrant radio-cassette doudou —, son impuissance et sa violence tapie, est terrible, tout comme la vie sordide de Beatrice Hunsdorfer, personnage à la dérive dans The Effect of Gamma Rays on Man-in-the-Moon Marigolds — le film se clôt sur une note d'espoir, pourtant.

Ces derniers temps, il y eut aussi des épreuves angoissantes mais nécessaires. Après la plus longue d'entre elles, le réconfort est venu d'un déjeuner chez Lengué. Bento sublime, délicat, exquis. Je vous en reparlerai.
Puis, les épreuves furent suivies de jours d'attente insoutenable. Le 15 juin, alors que le spectre de la lose planait au-dessus de ma tête, le mail de la délivrance finit par arriver : j'allais pouvoir continuer à exercer le métier de mes rêves pour une durée indéterminée. Enfin.
Ce soir-là, c'est avec un clafoutis de la victoire que je me suis rendue au club de lecture — où je me suis franchement énervée contre une imposture littéraire nommée Modiano —  et que j'ai pu effacer le cauchemar du 15 juin précédent.

Le lendemain, nous avons fêté cette heureuse nouvelle à Youpi & Voilà, tout désigné pour l'occasion. J'avais en tête une image, une description vues chez Camille...
On nous servit des sardines de l'Île d'Yeu marinées à cru, parsemées de graines de sésame à la prune, du rouget barbet accompagné de mozzarella et de ketchup de poivron, et une noix de bœuf d'Aquitaine habillée de petits éclats d'olives et de petits pois frais et croquants — une merveille. Pour finir, de l'abricot (poché, probablement), des fraises, du coulis, un gâteau sablé, et une glace que nous n'avons pas réussi à identifier — "safran", nous dit-on à la fin du repas.
Ce fut, pour nous aussi, un "moment de ravissement profond".
La soirée se prolongea avec une promenade le long du Canal Saint-Martin, et la douceur de la nuit nous poussa jusqu'à Sully-Morland, où nous avons fini par prendre le métro pour rentrer.

Ces derniers temps, ma cuisine fut quelque peu désertée, délaissée. La seule chose que j'avais régulièrement plaisir à préparer, c'étaient ces copieux sandwiches pour le déjeuner :

Sandwiches poulet rôti & BLT


Il s'agit simplement de faire rôtir des cuisses de poulet (une par personne), de griller du bacon, et d'assembler les sandwiches à sa guise, avec pain de mie complet, morceaux de poulet rôti, bacon grillé, tomates fraîches, laitue croquante et mayonnaise, et de bien tasser le tout pour que rien ne s'échappe. Du fast food comme j'aime.

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Ce soir, nous allons voir Dominique A au Casino de Paris : même artiste, même salle, mêmes circonstances qu'à l'automne 2009. Un curieux et heureux hasard.

Enfin, je ne pouvais espérer de meilleures conditions pour partir en Islande. J'ai tellement hâte !

dimanche 27 mai 2012

On voit l'écriture blanche des années empilées




Ce dimanche d'entre-deux-tours, nous n'étions que trois à table pour le déjeuner : ma mère, ma sœur et moi. À la fin du repas, moins copieux que d'ordinaire, ma sœur m'a demandé si je connaissais Carl Marletti. Et moi de lui répondre oui, bien sûr. Et de lui parler aussitôt de Pain de sucre, de Pralus et sa praluline, des magnifiques millefeuilles de Jacques Génin, des merveilles de la Pâtisserie des Rêves...
Je lui montrai les photos du blog Raids Pâtisseries ainsi que les vidéos du site de la Pâtisserie des Rêves... Tiens, regarde ci, tiens, regarde ça... Et ce fut le début de la fin.
Après une bonne demi-heure passée à saliver devant la tarte au chocolat de Christian Constant, la fabrication de la Tarte Tatin ou du Paris-Brest de Philippe Conticini, et toutes les photos de gâteaux tous plus appétissants les uns que les autres, nous n'en pouvions plus.
"Et si on allait à la Pâtisserie des Rêves, là, tout de suite ?"

Une heure plus tard, nous nous partagions, toutes les trois, un Grand Cru, une Tarte Tatin, un Paris-Brest et un millefeuille dans le chic salon de la rue de Longchamp.
J'avais oublié à quel point le Paris-Brest était divin et à quel point j'aimais ce genre d'imprévu.

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Le dimanche suivant, déjeuner rituel de jour d'élection au 14 juillet, près de notre ancien appartement et de notre bureau de vote. L'ambiance était joyeuse, la côte de bœuf généreuse et les frites toujours aussi délicieuses — de plus, le rab nous est toujours gentiment offert. Pour le dessert, deux profiteroles géantes furent partagées entre ma mère, ma sœur, mon frère, mon poulet et moi. Le petit M. — qui a désormais 21 mois — y goûta avec une extrême modération, sans doute gêné par l'amertume du chocolat noir. Il préféra aller voir le petit chien d'une table voisine, où une ancienne championne de tennis déjeunait avec des amis.
Plus tard, c'est lui qui glissa mon bulletin dans l'urne ; mais il fallut l'aider un peu, car il présentait l'enveloppe perpendiculairement à la fente.

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Ces derniers temps, parmi mes compagnons de salles obscures, il y eut : une Allemande en exil, de petits Japonais pleins de rêves secrets, une dresseuse d'orques aux jambes brisées, un boxeur à la fois rustre et plein d'attention... J'ai aimé l'espièglerie et la générosité des enfants partis en expédition pour crier leurs vœux les plus secrets — voir sa famille réunie, par exemple — au croisement des nouveaux Shinkansen. J'ai aimé le visage fermé de Barbara, dissimulant tant de sentiments mêlés, sa solitude, sa révolte intérieure, sa méfiance quasi permanente, mais aussi la tentation de lâcher prise. Je repense aussi avec émotion à une scène de Nouveau Souffle (Atmen, en V.O.), dans laquelle le personnage interprété par Georg Friedrich, employé des pompes funèbres, fait la toilette à une vieille dame qui vient de décéder. Ce personnage assez antipathique et grossier au premier abord, et qui malmène son jeune collègue avec un plaisir non feint, montre, à ce moment-là, une douceur et un respect infinis dans ses gestes. C'est bouleversant. La scène du nœud de cravate aussi, est belle, par son côté symbolique. En fait, j'ai trouvé Georg Friedrich bien plus intéressant et plus touchant dans ce rôle secondaire que dans L'amour et rien d'autre (Über uns das All, en V.O.).

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Un jour, le passé a ressurgi sous la forme d'un courriel. Celui d'une ancienne camarade de fac que je n'avais pas vue depuis dix-sept ans, mais dont j'ai immédiatement reconnu le nom. Après quelques échanges de mails, nous nous sommes retrouvées un soir dans un bar à tapas, où nous avons pris un verre et partagé une assiette de quesadillas, tout en nous racontant nos parcours respectifs. J'ai eu le vertige en pensant à tout ce temps écoulé et je me suis demandé si je pourrais un jour cesser de chercher à convaincre les autres que je n'ai pas tout raté.