dimanche 23 janvier 2011

Impose ta chance, serre ton bonheur, et va vers ton risque*


Récemment, une illustre... inconnue est venue déjeuner chez moi, à mon invitation (oui, j'ai de drôles d'idées parfois). Appelons-la C.
Comme C. est une personne bien élevée, elle n'est pas venue les mains vides : à peine arrivée, elle a sorti de son sac un énorme et magnifique pain au levain fait de ses blanches mains, sur lequel elle a inscrit mon initiale (rendez-vous compte !), ainsi qu'un bocal contenant un être vivant que je vais devoir nourrir... si je veux arriver à faire du bon pain comme le sien (étant donné mon aptitude à maintenir des plantes vertes en vie, j'ai quelques doutes...).
Voilà comment je me suis retrouvée avec Anatole (c'est son nom — à mon levain — vous pouvez essayer de deviner d'où m'est venue l'idée de ce nom, si ça vous amuse). J'espère qu'il survivra à mes vacances.

Avant le grand départ, plein de choses à faire, plein de gens à voir.
Enthousiasme et fascination devant les photos un peu irréelles, les expérimentations et bricolages de Heinrich Kühn, un photographe qui se prenait pour un peintre (ou l'inverse ?).
Réconfort d'une marmite de udon brûlants dégustés en bonne compagnie, après un entretien d'embauche de plus de deux heures.
Éblouissement devant les paysages brumeux de la Tamise, les nymphéas... Des frissons plein la peau devant une pie et son paysage enneigé, comme si je retrouvais une vieille connaissance. J'ai adoré voir le trait de pinceau se libérer sur les dernières toiles.
Joie intense en voyant mon montage de pile fonctionner (enfin !) dans le vieux Yashica de mon papa. Je vais pouvoir l'emporter avec moi en Thaïlande.
Ces derniers temps, j'ai tenté de faire le plein de toutes les choses qui me manqueront là-bas : galettes des rois, éclairs au chocolat, tartines beurrées... et surtout : côte de bœuf-sauce au poivre-frites (ou pommes de terre sautées).
Il m'a fallu beaucoup de temps, d'essais ratés, de steaks trop cuits, ou encore froids, avant d'arriver à maîtriser à peu près la cuisson d'un steak saignant comme je les aime. Depuis que j'utilise un minuteur, je n'en ai plus raté un seul.

Comment réussir un steak saignant


Prendre un steak d'au moins 1,5 cm d'épaisseur (rumsteak, entrecôte, filet...)
Laisser la viande à température ambiante au moins une heure avant de la cuire (cela évitera d'avoir un steak encore froid à l'intérieur).
Chauffer un grill (en fonte pour moi) légèrement huilé.
Quand le grill est bien chaud, saisir la viande à feu vif environ 1 min 50 de chaque côté pour un rumsteak d'environ 2 cm d'épaisseur (à ajuster : par exemple, 1 min 30 si le morceau est un peu moins épais). Pour un gros morceau de côte de bœuf, il faut compter entre 3 min 30 et 5 min de chaque côté, là aussi, tout dépend de la taille et de l'épaisseur du morceau. On tâtonne beaucoup au début, mais avec l'expérience, on finit par "sentir" le temps de cuisson nécessaire.

Pour accompagner le filet ou la côte de bœuf, rien de tel qu'une bonne sauce au poivre telle que celle de Gracianne.


Je laisse Gracianne vous expliquer la recette comme elle l'a fait un jour de novembre où nous discutions de nos repas respectifs de la veille ou de l'avant-veille :
"Il faut concasser du poivre, l'équivalent d'1 c.s. de poivre mélangé. Tu fais mousser du beurre 1/2 sel dans une casserole à fond épais et tu ajoutes le poivre. Tu laisses chauffer une minute, puis tu débouches la bouteille d'alcool (ici : du cognac), tu allumes une allumette, tu mets une giclée d'alcool dans le mélange beurre-poivre et tu allumes ça (on éteint la hotte avant obligatoirement). Une fois éteint, tu rajoutes 2 grosses c.s. de crème fraiche, puis une 3ème parce qu'il n'y en a pas assez. Un peu de sel. Tu mélanges, tu baisses le feu et tu laisses cuire en tournant quelques minutes, jusqu'à ce que le mélange soit bien épais."


De gros nuages s'amoncellent dans mon ciel... Je crois qu'il est grand temps que je parte...
Prenez soin de vous.

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*Extrait d'un poème de René Char trouvé dans une des bulles de poésie parsemées dans le métro parisien en ce début d'année.

lundi 17 janvier 2011

Les demoiselles, le garçon manqué et les petits pots de crème


Ce jour-là, je venais d'avaler un bol de kitsune udon slurpique à souhait au comptoir de Kunitoraya, et comme je n'avais plus à retourner au bureau, j'ai eu envie de revoir le rayon des vanilles aperçu chez Olivier Roellinger dix jours plus tôt.
Je ne l'ai pas vu tout de suite, il y avait un attroupement autour de la caisse. Mais quand je me suis retrouvée devant la vitrine où sont exposées les vanilles, une fois le groupe parti, j'ai vu qu'il était là, juste à côté.
Il m'a demandé si j'avais besoin d'un conseil. Je lui ai répondu que oui, il y a tellement de choix... Et puis, je ne connais rien à la vanille...
Après s'être enquis de ce que je voulais en faire ("De la pâtisserie ! Flans, crèmes brûlées, riz au lait, cannelés, etc"), il a commencé à me présenter une à une les différentes variétés de vanille ("Vous savez que le Mexique est le pays d'origine de la vanille ?"), leurs caractéristiques, leur parfum, leur utilisation... Telle vanille est parfaite pour les crèmes, telle autre pour le chocolat, telle autre pour les salades de fruits et les fruits pochés, telle autre pour le salé... Quand je lui avoue que j'ai récemment raté des poires pochées, il m'explique en détail comment faire pour les réussir... Il m'explique aussi les principes de l'utilisation de la vanille dans les plats salés... Je ne retiens pas la moitié de ce qu'il me dit tant je suis ébahie de voir Olivier Roellinger en personne faire le vendeur et me donner un cours particulier sur la vanille... Il ouvre plusieurs grands bocaux pour me faire sentir telle vanille au parfum de cacao, et telle autre au parfum de réglisse... Les minutes passent... Soudain, il s'arrête et me dit : "Vous savez, on a une cave à vanille ici, vous voulez la voir ?"
Et nous voilà partis dans l'étroit escalier qui mène au sous-sol de la boutique, dans la cave à vanille. Là, il ouvre chaque boîte, me montre les gousses charnues en s'émouvant de leur beauté, approche la boîte de mon visage pour que je puisse les sentir, il me décrit leur parfum, m'explique ce que l'on peut faire avec... Je n'en reviens pas de ce qu'il m'arrive.
Au milieu des "demoiselles", comme il les appelle affectueusement, il me présente un "garçon manqué", au parfum incroyable de cuir, et compare son odeur à celle de l'intérieur d'un sac à main de femme... Puis c'est au tour d'un autre grand cru, à utiliser dans des préparations froides, pour faire une glace à la vanille ou sublimer une crème fouettée... Aucun doute possible : c'est un homme véritablement passionné que j'ai devant moi.
Une fois de retour dans la boutique, je lui demande s'il peut m'aider à choisir quelques gousses de vanille, puisqu'il semble les connaître si bien... Je crois que je ne pourrais pas avoir meilleur conseiller.


Je quitte la boutique, à la fois ravie et stupéfaite qu'un chef réputé comme lui, sans doute très sollicité, ait consacré autant de temps (presque une demi-heure) à une simple anonyme, ni journaliste, ni blogueuse influente, ni célébrité ou quoi... juste pour un moment de dialogue et de partage. Je me demande si un autre à sa place aurait été aussi disponible...

J'avais beaucoup d'admiration et de respect pour cet homme ; cette rencontre a confirmé tout le bien que je pensais de lui. À sa disponibilité s'est ajoutée une gentillesse inouïe. Dès que mes perspectives professionnelles (et donc financières...) s'éclairciront un peu, bientôt j'espère, je serai très heureuse d'aller goûter sa cuisine à Cancale. J'ai hâte...
En attendant, j'ai voulu essayer les petits pots de vanille de son enfance, dont la recette figure sur des feuillets que la vendeuse m'a donnés. Et vous savez quoi ? C'est TRÈS prometteur.


Les petits pots de vanille de la maman d'Olivier Roellinger


pour 4 petits pots de yaourt

30 cl de lait (demi-écrémé, c'est très bien)
45 g de sucre (blond de canne)
3 (petits) jaunes d'œufs
1/2 gousse de vanille (de Madagascar fendue idéalement)

Porter le lait et la demi gousse de vanille à ébullition.
Mélanger au fouet les jaunes d'œufs et le sucre.
Verser dessus le lait bouillant tout en remuant.
Filtrer à la passoire fine (hum... pas fait), remplir aux 3/4 les pots de yaourt avec cette préparation et cuire au four en bain-marie* à 165 °C pendant 25 minutes environ (durée de cuisson non précisée dans la recette originale ; heureusement que la reine des petites crèmes est là :-)).
Laisser refroidir à température ambiante puis réserver au frais.

* Comment j'ai procédé pour le bain-marie : tapisser le fond d'un moule de deux couches de papier essuie-tout. Poser les pots dans le moule. Verser de l'eau bouillante dans le fond du moule et enfourner le tout.


Incroyablement douces et soyeuses, ces petites crèmes rappelleront "à chacun la caresse d'une mère". Ce sont ses mots à lui.

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Epices Roellinger
51, rue Sainte-Anne
75002 Paris
M° Pyramides
01 42 60 46 88

mercredi 5 janvier 2011

Was soll nur werden ? (foie gras et chocolat)



Finalement, je me retrouve un peu plus tôt que prévu sur mon canapé. En grignotant non pas des butterballs, mais des canelés et des bredele offerts par de chouettes coupines (merci !).




Et avec en bande-son non pas Benjamin Biolay tout seul, mais une sélection musicale envoyée par une autre chouette coupine (merci !), et qui a rendu mon poulet vert de jalousie : il s'est empressé de me concocter à son tour une playlist afin de regagner sa suprématie en matière de musique. Je peux vous dire que j'ai de quoi écouter pendant un bout de temps. Les voix d'Antony Hegarty et de Natalie Merchant me transportent... et celle de Michel Aumont récitant Rilke fait chavirer mon cœur à chaque écoute.

Ces temps-ci, il y eut plusieurs Cheesy English (roastbeef, cheddar & mayonnaise) chez Cosi, suivis de glaces Grom (la dernière fois, c'était en sortant d'une séance de Another Year, un peu déprimant), des pauses déjeuners et un goûter chez Rose Bakery, et pas mal de repas coréens.
Et puis, pour le premier petit déjeuner de l'année, un beignet azuki & kinako, découvert par hasard chez Aki (ça change du Nut-Nut).



L'année 2010 s'est close sur des déceptions, des désillusions et un goût très amer (si j'avais su à quel point le titre du précédent billet était prémonitoire). Pour faire passer ça, il a fallu BEAUCOUP de foie gras... et encore plus de chocolat.

Pour le foie gras, j'ai testé la cuisson au sel, qui a provoqué des réactions assez mitigées lors du réveillon de Noël : beaucoup ont adoré mais d'autres ont détesté (notamment ma grande sœur, qui n'a pas aimé sa consistance de "beurre" — sic). C'est vrai qu'il est plus gras et fondant que le foie gras cuit par la chaleur...
Pour le 31 décembre, j'ai donc choisi une autre version, le foie gras à la vapeur, qui lui, en revanche, a fait l'unanimité : tout le monde l'a adoré. Recette définitivement adoptée !

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Foie gras à la vapeur (recette trouvée chez Manue)


1 foie gras de 400 g environ, déveiné
1 c.c. de sel fin
1/2 c.c. de poivre noir moulu
2 c.s. de cognac

Laisser le foie à température ambiante pendant une demi-heure.
Dans une assiette creuse, mélanger le sel, le poivre et le cognac.
Poser le foie dans l'assiette et l'oindre de ce mélange.
Le laisser macérer 8 à 12 heures au frais.

Au bout du temps de macération, emballer le foie dans du film transparent en serrant bien et en formant un boudin. Percer le film pour enlever les bulles d'air, puis emballer le boudin dans une seconde feuille de film alimentaire. On peut faire des nœuds aux extrémités.
Emballer le tout dans deux épaisseurs de papier aluminium en serrant bien les extrémités, et faire cuire dans un panier vapeur entre 15 et 17 minutes. Penser à retourner le boudin à mi-cuisson.
Quand le foie est cuit, le laisser refroidir sans l'ouvrir, et le laisser reposer 4-5 jours au réfrigérateur (pas moins de 3 jours, c'est un minimum).


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Quant au chocolat, j'ai eu la chance de me voir offrir une boîte de chocolats venant d'une petite pâtisserie-chocolaterie exclusivement tenue par des Japonais : La Petite Rose. Après avoir succombé aux ganaches intenses et aux irrésistibles pralinés feuilletés, je n'ai pas pu m'empêcher de m'y rendre moi-même lors d'une pause déjeuner afin de me refaire une provision de ces exquises drogues.


Enfin, toujours côté chocolat, une découverte qui a bouleversé ma vie : des biscuits craquelés au chocolat à la texture parfaite. Moelleux et chewy, ce sont les meilleurs biscuits de l'univers (nettement meilleurs que les cookies — dont j'essaie d'améliorer la recette —, voire les amaretti). J'en ai fait deux fournées en deux jours.
(Message personnel : Claire, je ne comprends pas ce qui a pu se passer de travers quand tu les as faits, mais je t'assure qu'ils sont délicieux !)

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Chocolate crinkles (biscuits craquelés au chocolat)
(recette trouvée sur Le Pétrin, merci Sandra !)


pour environ 30 biscuits

40 g de chocolat noir
20 g d'huile neutre (tournesol, colza ou mélange d'huiles)
1 (petite) c.c. de café soluble type Nes (imperceptible au goût)
40 g de cassonade (initialement : 60 g)
1 c.s. de sucre vanillé (ou un sachet)
2 c.s. de golden syrup (ou sirop de glucose ou miel léger) (initialement : 3 c.s.)
2 blancs d'œufs
140 g de farine
80 g de sucre glace
30 g de cacao en poudre non sucré (Van Houten)
1 1/4 c.c. de levure chimique
1 grosse pincée de sel
50 g de sucre glace pour l'enrobage

Faire fondre le chocolat selon sa méthode préférée (casserole, bain-marie, micro-ondes...), y ajouter l'huile et mélanger.
Ajouter le café soluble et mélanger (hors du feu).
Laisser tiédir quelques minutes, puis ajouter la cassonade, le golden syrup et le sucre vanillé. Mélanger avec une cuillère, juste assez pour incorporer les sucres.
Verser les blancs et les incorporer en mélangeant vigoureusement : l'appareil devient visqueux et forme des paquets qu'il faut écraser avec le dos de la cuillère jusqu'à obtenir une pâte lisse et homogène.
Tamiser la farine, le sucre glace, le cacao et la levure au-dessus d'un grand bol et transvaser dans la pâte chocolatée. Incorporer petit à petit avec une cuillère : au départ, le mélange est très sableux et donne l'impression de ne pouvoir s'agglomérer. Continuer à mélanger en grattant parois et fond jusqu'à disparition complète des traces du mélange sec et formation d'une pâte épaisse homogène.
Couvrir avec un film alimentaire et placer au réfrigérateur environ 2h (la pâte peut également être congelée dans un sac hermétique : laisser décongeler au frais la nuit précédant la cuisson — mais le résultat est moins bien).

Préchauffer le four à 180 °C.
Recouvrir une ou deux plaques de cuisson de papier sulfurisé.
Verser le sucre glace d'enrobage dans une assiette creuse ou un grand bol.
Prélever l'équivalent d'une c.s. de pâte par biscuit et façonner en boule de 3-4 cm de diamètre.
Plonger les boules dans le sucre glace et les enrober généreusement, puis les disposer sur les plaques de cuisson en veillant à les espacer d'au moins 5 cm (important !). Les aplatir légèrement.
Enfourner et cuire 8-9 minutes (à vous de voir selon votre four), le temps que la surface des biscuits se craquèle et soit tout juste cuite.
Laisser tiédir 2 minutes sur la plaque avant de transvaser les biscuits avec une spatule sur une grille jusqu'à complet refroidissement.

Remarque : ces photos ont été prises lors de la seconde fournée, les biscuits sont un peu épais. J'ai préféré la première fournée, qui a fait des biscuits plus plats et plus chewy (parce que je les ai plus aplatis avant cuisson et que j'ai laissé reposer la pâte moins longtemps — à peine 2h).



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Pour clore ce long billet de n'importe quoi totalement décousu, un petit cadeau pour la nouvelle année : un calendrier maison avec des illustrations de mon cru, que vous pouvez soit imprimer, soit utiliser comme fond d'écran (si c'est pas mégalo...). Vous pouvez aussi ne rien en faire, évidemment.













Souhaitez-moi de ne pas passer toute l'année sur mon canapé, et portez-vous bien.