vendredi 30 décembre 2011

Comme on n'a pas le choix, il nous reste le cœur (Orangenpunsch pour se réchauffer)


La première fois, c'était le 26 septembre 2005.
Ce matin-là, au lieu de descendre rue d'Ulm pour assister à cette école de linguistique à laquelle je m'étais inscrite, j'avais prolongé mon trajet en bus jusque dans le Marais, pour atterrir sur une banquette de L'Étoile Manquante.
C'était là que je l'avais rencontré, lui, avec sa veste qui ressemblait à un bleu de travail, sa barbe de plus de trois jours, et surtout cette mine de type pas commode. Était-ce bien lui ?
Installé sur la banquette, à deux tables de la mienne, il avait commencé à griffonner quelque chose dans un carnet. Mes doutes s'étaient alors dissipés : ce ne pouvait être que lui. Je m'étais approchée de lui pour lui poser la question, sa réponse avait été affirmative. S'en était suivie une longue discussion sur son travail — un album était en préparation sur l'élection présidentielle américaine —, sur Monsieur Jean, sur Henriette, que mon ami L. m'avait fait découvrir parce qu'il me trouvait une certaine ressemblance avec elle, sur la bande dessinée en général... Nous avions parlé des auteurs que nous aimions, de lui, et de moi (ma thèse, etc). Je me souviens avec bonheur de cette conversation.
Puis il avait dû partir, et j'étais restée sur un regret : celui de ne pas avoir osé lui demander un dessin dans mon carnet.

Ce mardi d'avant Noël, dans le 26 qui m'emmenait vers la rue des Martyrs, alors que je venais d'engloutir un délicieux pain au chocolat de La Gambette à Pain — d'autant plus délicieux après 1h15 de brasse coulée, dans une piscine quasi vide — et que j'avais une grosse miette coincée entre les dents — mais je ne le sus que plus tard, devant le miroir des toilettes de Rose Bakery —, je n'imaginais pas une seule seconde que nos chemins allaient de nouveau se croiser.
Je ne l'ai pas vu monter dans le bus, mais quand j'ai eu la certitude qu'il s'agissait de lui, je n'ai pas résisté à l'envie d'aller lui parler, en lui posant exactement la même question que six ans auparavant : "Excusez-moi, vous êtes bien Philippe Dupuy...?"
Après son "oui", il y eut un grand moment de silence et de débilité profonde : je n'avais pas anticipé la suite de la conversation. Puis, je lui ai rappelé la rencontre que nous avions eue à L'Étoile Manquante, éberluée et ravie de le rencontrer à nouveau par le plus grand des hasards. La discussion fut brève cette fois-ci, mais j'ai pu lui redire à quel point j'appréciais son travail, et implicitement celui de Charles Berberian — en particulier les premiers tomes de Monsieur Jean, La théorie des gens seuls, Journal d'un album, les carnets de voyage ainsi que les travaux d'illustration. Il me confia, entre autres choses, qu'un livre assez volumineux allait paraître au printemps prochain. Puis, très vite, ce fut le moment pour moi de descendre.
J'aurais voulu avoir une conversation plus intelligente et spirituelle, mais bon, on fait ce qu'on peut.

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Trois jours plus tard, à la piscine, je suis tombée sur mon ami Borgia qui m'a interpelée en allant sortant de sa cabine : "Hé, miss Borgia ! Il y a un petit déjeuner tout à l'heure, tu viendras ? On fait ça tous les ans à Noël, tu verras, c'est sympa."
C'est ainsi que je me suis retrouvée, à l'heure de la fermeture de la piscine, devant un buffet de gâteaux maison et de viennoiseries, en compagnie des autres nageurs et des maîtres-nageurs. Certains sont tout à fait méconnaissables une fois habillés et coiffés, ou alors, nous ne nageons pas dans la même zone... J'ai pris une tasse de thé et grignoté un bout de gâteau — avec modération parce qu'une expédition à La Gambette à Pain était prévue —, posé pour des photos, échangé quelques mots avec les copains de Borgia. Un peu intimidée, mais très agréablement surprise par la convivialité de ma nouvelle piscine, qui est un peu comme le train de Gracianne !

Après ce chouette interlude, je me suis rendue à la Gambette pour refaire des provisions, car ils fermaient toute la semaine entre Noël et le nouvel an. J'avais tant de victuailles — notamment 1 kg de pain préféré, en partie pour accompagner le foie gras du réveillon — que la vendeuse m'a tout mis dans un grand cabas visiblement bricolé avec un sac de farine, et j'étais toute fière en sortant de la boulangerie : c'était à la fois le plus chouette cabas qu'on m'ait jamais donné et un superbe exemple de recyclage.



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Cette semaine-là a commencé et s'est terminée avec Wohin und zurück - Welcome in Vienna, trilogie éblouissante et méconnue d'Axel Corti, qu'on a eu la bonne idée de ressortir cet hiver. Le public était nombreux à toutes les séances à l'Arlequin, formant un beau camaïeu de chevelures parme-grises-blanches — l'absence quasi totale de cinéphiles plus jeunes m'a fortement interpelée. C'est un cinéma exigeant, certes, mais on suit avec angoisse et empathie le quotidien de ces Autrichiens juifs en fuite à travers l'Europe puis l'Amérique, qui essaient de survivre dans cette époque tourmentée ; on tremble pour eux, avec eux.
Je confesse une très légère préférence pour l'épisode new-yorkais (Santa Fe, le 2ème volet), peut-être parce qu'il constitue une parenthèse loin de la guerre, teintée d'espoir, même si cet exode-là charrie lui aussi son lot d'horreurs.
Ne perdez pas de temps et allez les voir avant qu'il ne soit trop tard ! (Et si par hasard vous avez vu ou lu certaines des daubes de Gabriel Barylli, vous serez sans doute ravis de le voir là dans un rôle magnifique.)


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Cette semaine fut un moment de répit dans cette année (relativement) atroce. Ce qu'il y a à retenir de 2011 se compte sur les doigts d'une seule main : une nouvelle amitié, une rencontre réjouissante, un voyage de rêve, la découverte d'une boulangerie exceptionnelle* et de la piscine presque idéale. Pour tout le reste, j'espère que 2012 se montrera plus clémente — au stade où j'en suis, un travail, même précaire, suffirait à mon bonheur.

Passez un bon réveillon et portez-vous bien en 2012. J'ai envie de vous proposer un Punsch** pour trinquer à la nouvelle année. C'est notre boisson préférée du moment, qui nous console en plus de ne pas avoir pu retourner à Vienne cet hiver.

Merci d'être encore là.


Orangenpunsch (Punsch à l'orange)
(recette déjà publiée sur La bouche pleine)


pour 2 grands mugs

30 cl d'eau (filtrée)
2 sachets de thé noir (type English breakfast)
20 cl de jus d'orange*** (environ 3 petites oranges) (ici : des oranges sanguines)
1 c.s. de sucre blond de canne
1 c.s. de miel
1 bâton de cannelle fendu
1 clou de girofle
6 cl de rhum blanc agricole (ou un peu plus, si vous voulez)

Faire chauffer l'eau dans une petite casserole.
Un peu avant l'ébullition, retirer du feu, ajouter les sachets de thé et laisser infuser quelques minutes.
Ajouter le jus d'orange, le miel, le rhum, la cannelle, le clou de girofle, et faire chauffer (mais sans faire bouillir). Laisser infuser un moment.
Filtrer et servir bien chaud.


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* L'année prochaine, promis, j'arrête de vous bassiner avec La Gambette.
** Prononcer "pounche", à l'autrichienne (et non "ponche").
*** Il est important d'utiliser soit du jus d'oranges fraîchement pressées, soit du jus en brique 100% pur jus (type Tropicana au rayon frais). Sinon, le goût d'orange sera trop fade.

lundi 19 décembre 2011

Des lendemains qui chantent, malgré la pluie battante (et des Weihnachtskekse)


Se lever, tôt. Sortir affronter le métro bien avant l'heure de pointe, pour se plonger dans un bassin d'eau chlorée. S'immerger, glisser dans l'eau bras et jambes tendus, ressortir la tête, inspirer, puis replonger, et recommencer encore et encore. Nager inlassablement pendant cinquante minutes, une heure, sans penser à rien. La seule chose qui compte : se fondre avec l'eau — savez-vous quel plaisir addictif cela représente ? On en ressort l'esprit infiniment plus léger.


Non, je ne suis pas solide
Ça c'est la nature qui décide
Non, je ne suis pas solide
Je suis cassable, je suis passable
Je suis liquide


Dans mon quotidien actuel, il y a toujours les séances de cinéma, mais plus seulement du matin. Il y a les expéditions à La Gambette à Pain — où M. Mathon m'a saluée d'un signe de la tête à travers la vitre une fois, reconnaissant certainement celle qui traverse Paris pour son pain préféré et qui est parfois obligée d'aller patienter au troquet à Saint-Fargeau quand le pain est encore au four — et aussi les pérégrinations du côté de la rue des Martyrs, qui est accessible par un bus direct de Gambetta, ce qui est bien pratique même si le trajet n'est pas des plus courts.
À l'arrivée, je vais souvent chercher un pain au cacao ou aux noix chez Landemaine — mais attention, le pain au cacao est parfois rabougri et trop cuit. J'aime bien aller boire un capuccino chez Kooka Boora en contemplant les jolies cafetières exposées dans la vitrine, puis acheter une, voire deux parts de cake à la pistache pour mon poulet chez Rose Bakery — ce cake est sa nouvelle addiction. Quant à moi, j'aime toujours autant déjeuner chez Rose Bakery, d'une assiette de légumes hyper colorée et appétissante et plein de pain Poujauran beurré, ou d'un risotto quand il n'est pas aux champignons. Mais un jour où ma banque avait bloqué ma carte bleue et où je n'avais que 3,20 € en poche quand je m'en suis aperçue, j'ai dû me contenter d'un pain aux noix (1 €), un yaourt aux fruits (1,24 €), une clémentine (10 centimes), le tout arrosé d'une bouteille d'eau très bon marché (18 centimes) ; et comme il me restait encore quelques dizaines de centimes au fond du porte-monnaie, j'ai pu m'offrir une banane en bonus (26 centimes) — étant donné que je n'arrêtais pas de demander le prix de chaque chose, la caissière du supermarché m'a sans doute prise pour une clocharde. Pour me consoler de cela, une fois l'incident bancaire clos, je suis allée m'acheter une gigantesque côte de bœuf pour quatre chez mes anciens amis bouchers de la rue Blanche.
Quand j'ai du temps et aucun rendez-vous en vue, j'aime bien aller admirer les chouettes objets rassemblés au Rocketship — dont plusieurs font déjà partie de mon quotidien : tasse Isak, mugs Orla Kiely, valisette Mouk... Au terme de plusieurs semaines de tergiversations, j'ai fini par y acheter un moulin à café japonais (avec une meule en céramique) et un paquet de café en grains de chez Coutume. Depuis, je prends plaisir à moudre tous les jours du café pour mon poulet, cela diffuse une odeur divine dans l'appartement — je n'aime pas tant que ça boire le café, mais j'adore le sniffer dans le paquet, car cette odeur me rend dingue.


Mon corps est une cage
Qui m'empêche de danser
Avec l'homme que j'aime

Et moi seule ai la clef



Mais en fait, je me fiche un peu du café, car ce serait plutôt du thé qui coule dans mes veines. Et un des moments les plus délicieux de ces dernières semaines fut l'après-midi passé au Zenzoo Thesaurus à m'initier au gong fu cha. Ce n'était pas le but de ma visite, mais il m'était déjà arrivé de converser en mandarin avec la charmante Taïwanaise qui tient la boutique, elle se souvenait de moi, je lui avais raconté d'où venait ma famille, quel dialecte je parlais avec mes parents et grands-parents, etc... Je me sentais suffisamment en confiance pour faire mon initiation avec elle, et je ne l'ai pas regretté. J'ai adoré écouter ses explications — en version bilingue et avec une patience et une gentillesse qui avaient cruellement fait défaut à la Maison des Trois Thés le jour où je m'y étais rendue —, j'ai adoré observer ses gestes précis et sûrs, et cette dégustation de Si Ji Chun fut un moment de plaisir et de sérénité rare, un moment hors du temps.
Je saurai désormais comment utiliser les ustensiles à thé qui croupissent dans un coin de ma cuisine depuis des années...


J'aime sa minceur
J'aime sa maigreur

J'aime sa pâleur


J'aime sa faiblesse

J'aime sa rudesse

J'aime sa détresse


Mon bonheur n'a que la peau sur les os


Ce mois-ci, lors d'un court séjour en Lorraine, j'ai fait le plein de chocolats et de gaufrettes belges dans un hypermarché de Messancy dont je vous avais déjà parlé, mangé de vraies bonnes frites à Athus, et découvert avec ravissement un petit marché de Noël sur une place à Luxembourg un soir gris et humide : Glühwein, décos de Noël en bois et objets tressés m'ont immédiatement consolée de la pluie incessante de ce week-end-là.
Pour le trajet Paris-Lorraine en voiture, j'avais emporté à la hâte une pile de CD de Benjamin Biolay, Dominique A, The Arcade Fire, REM, Leonard Cohen, Schubert... mais en oubliant les deux que j'avais le plus envie d'écouter à ce moment-là. Depuis, c'est Jeanne Cherhal qui me tient compagnie, et ce durant des heures entières. J'avoue avoir un faible pour Une tonne, que je ne me lasse pas d'écouter.


Une année j'ai pesé une tonne
Et cette année dura mille jours

Jamais on n'avait vu d'automne si long

Et de printemps si court


Tous les jeudis au Desdémone

J'allais oublier mon corps lourd

En noyant ma large personne

Dans des bains brûlant mes pourtours


Le week-end dernier, j'ai enfilé mon tablier de compétition — cousu par une fille qui fait, entre mille autres choses, des entremets épatants, des pots de thèse de folie, de jolies robes, et maintenant également des livres de cuisine — et j'ai pâtissé une journée entière, de 11h à 2h du matin, dans une ambiance qui me rappelle Vienne à chaque fois.
Dès le lundi, de petits colis étaient expédiés un peu partout en France ainsi qu'en Suisse.


Dans les colis gourmands, il y avait évidemment les quatre incontournables : Lebkuchen, Zimtsterne, Vanillekipferl et Linzeraugen ; plus les amaretti de Nilufer, que j'ai refaits étant donné le succès qu'ils ont eu l'an dernier.
Les deux nouveautés de cette année sont les Brunsli de Bâle, trouvés chez Loukoum°°°, et les étoiles au citron, faites avec la même base que les Linzeraugen et glacées avec un mélange de jus de citron et de sucre glace.


Sablés étoilés au citron


150 g de farine
100 g de beurre
50 g de sucre glace
1 jaune d'œuf
50 g de poudre d'amandes
zeste d'1/2 citron
une pincée de sel

Pour le glaçage :
un peu de jus de citron
du sucre glace

Verser la farine dans un grand saladier, ajouter le beurre froid coupé en petits morceaux et mélanger du bout des doigts pour obtenir une poudre grossière.
Ajouter le reste des ingrédients et amalgamer le tout pour former une boule.
Envelopper la pâte et la mettre au frais pendant 30 minutes au moins.
Préchauffer le four à 180 °C.
Abaisser la pâte sur un plan de travail fariné, découper des étoiles (ou d'autres formes) à l'emporte-pièce et les poser sur une plaque recouverte de papier sulfurisé.
Enfourner 12 minutes à 180 °C. Les biscuits doivent dorer légèrement.

En attendant que les sablés refroidissent (sur une grille), préparer le glaçage : verser le jus de citron dans un bol et ajouter du sucre glace jusqu'à obtenir un mélange qui ne soit ni coulant ni trop épais mais suffisamment souple pour être étalé.
Si le mélange est trop liquide, ajouter du sucre glace.
S'il est trop épais, ajouter du jus de citron par petites cuillerées.
Glacer les sablés et les laisser sécher quelques heures.


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Ce matin, mon poulet est rentré de sa promenade au parc avec une poignée de framboises. Vous croyez ça, vous, qu'on trouve encore des framboises en décembre, à une semaine de Noël ?

jeudi 10 novembre 2011

L'intranquillité (et le couscous des débutants)


Je me suis fait un pote à la piscine.
L'autre jour, à l'endroit où l'on se rechausse avant de sortir, il m'a dit "bonjour !" avec un grand sourire. "Borgia", a-t-il précisé. Je lui ai répondu que je me souvenais très bien : quelques jours avant, alors qu'il discutait avec ses compères nageurs de la nouvelle série de Canal Plus et qu'il cherchait en vain le nom d'un des fils du pape Alexandre VI, je suis venue à sa rescousse. J'avais la réponse, et elle me brûlait les lèvres — que voulez-vous, on ne se débarrasse pas facilement de ses mauvaises habitudes de première de la classe... J'avais surpris tout le monde en disant "Juan", avec mon air de ne pas y toucher. Et là, Borgia était ravi de pouvoir discuter séries télé avec une nouvelle habituée — la prochaine fois, je pourrais lui parler de Game of Thrones.
Je crois qu'une nouvelle vie sociale s'ouvre à moi.


She's broken all her promises
And found another place to sleep

He's a little boy that never thought about the consequence

She's like a letter bomb waiting for another man

Sitting on a fence in another dreary disco town


Mercredi matin, 7h12, Censier-Daubenton. La rame arrive à quai, s'arrête. De l'autre côté de la vitre, juste devant moi, la toute nouvelle affiche du Bon Marché, qui me fait sortir de ma torpeur. Quel bonheur de commencer la journée ainsi et de voir le visage d'un être admiré à chaque déplacement en métro. Une présence comme un réconfort, un encouragement en ces temps un peu rudes.


Vous mes morts et vous mes vivants, vous mes hommes partis
Chuchotez au creux de mon oreille

Dans mon sommeil

Vous mes morts et vous mes vivants, vous mes hommes enfouis

Je vous reconnais dans le soleil

Dans le soleil


Je regarde la vie des autres.
Tandis que je rentre chez moi, après la piscine, je regarde les gens courir, se hâter dans la rue et dans le métro. Hommes en costume, étudiants fatigués, femmes apprêtées, ils vont tous travailler.
Je vais à rebours. Je rentre à la maison, sans savoir quand viendra mon tour d'entrer à nouveau en piste.


Chaque jour, je me tenais prêt
Je guettais l'heure et la page
Où les eaux s'ouvriraient
Me laisseraient un passage
L'espoir me faisait vivre
L'attente me rendait nerveux
Je trouvais dans les livres
De quoi patienter un peu


Sur notre balcon, l'érable japonais s'est paré de ses plus belles couleurs. Nous ne nous lassons pas de le contempler, en anticipant sur la tristesse qui nous saisira quand ses feuilles, d'un rouge flamboyant, auront laissé place à des branches nues.
Les framboisiers du parc, quant à eux, continuent de donner des fruits. Nous guettons sous les feuilles et cueillons les rescapées avec ravissement. Je ne pensais pas pouvoir prolonger le plaisir des yaourts d'été jusqu'au cœur de l'automne.


Heaven is a place on earth with you
Tell me all the things you want to do
I heard that you like the bad girls
Honey, is that true?


Novembre a, cette année, le goût des crêpes au Poulain Grand Arôme, le goût du riz à la gaxuxa, des kamatén udon, du pain de seigle et du pain au cacao de Rodolphe Landemaine. Ce dernier, en particulier, vous enveloppe tout entier dans son moelleux et sa douceur chocolatée. Fabuleux.


Il a aussi le goût du couscous que l'on a enfin osé cuisiner. Alors que l'on s'imaginait des montagnes d'ingrédients, des heures de préparation et de cuisson, et forcément de grandes tablées comme prérequis, on découvre en relisant le blog de La Sieste — en plus de rire un bon coup — que la préparation d'un couscous n'est finalement pas si terrifiante que ça et que, oui, on a le droit de cuisiner un couscous pour deux si on veut.
Merci, La Sieste ! Grâce à toi, j'ai vaincu ma peur du couscous !


"Couscous 2000" pour les débutants (recette trouvée ici)


pour 2-3 personnes

700-800 g de collier de mouton (ici, de la souris d'agneau désossée)
3 carottes
2 courgettes
3 navets
1 poivron rouge
1 oignon
1 gousse d'ail
1 petite boîte de pois chiches
1 c.s. de ras-el-hanout
2 c.s. de concentré de tomate
1 l de bouillon de volaille
2 c.s. d'huile d'olive
harissa, sel et poivre
semoule de blé dur (1 verre par personne + la même quantité d'eau bouillante)

Pour accompagner :
des merguez grillées, du poulet rôti

Peler et couper en rondelles l'oignon, écraser l'ail.
Peler les carottes et les couper en tronçons de 4 cm de long.
Pelez les navets et les couper en deux.
Couper le poivron rouge en deux, ôter les graines et les parties blanches, puis le couper en lamelles.
Laver les courgettes et les couper en grosses rondelles.

Mettre une cocotte à chauffer avec l'huile puis faire dorer l'ail et l'oignon avec les morceaux de collier de mouton. Retourner les morceaux de viande pour qu'ils dorent sur toutes les faces.
Saupoudrer de ras-el-hanout, ajouter le concentré de tomate, les carottes, les navets, les pois chiches et le poivron. Saler, poivrer et arroser de bouillon.
Couvrir et laisser cuire une heure à feu moyen.
Ajouter les rondelles de courgettes 15 minutes avant la fin de la cuisson.

Préparer la semoule de couscous : mettre la semoule dans un saladier, ajouter un peu d'huile d'olive et l'eau bouillante (même volume d'eau que de semoule). Couvrir pendant 5 minutes.

Disposer la semoule en couronne dans un plat creux. Verser la viande et les légumes au centre. Servir bien chaud, accompagné de harissa.



Pas de dessin cette fois-ci — qui sait si vous n'êtes pas lassés de ces sempiternels dessins de plats...

mercredi 26 octobre 2011

La Régalade et les gâteaux d'anniversaire


J'aurais voulu faire preuve d'originalité cette année, et vous raconter un repas d'anniversaire réussi ailleurs qu'à la Régalade... mais c'est raté.
J'avais choisi d'aller chez l'Ami Jean avec mon poulet, curieuse de goûter la cuisine d'un Stéphane Jégo dont je n'avais entendu que du bien. Je m'en réjouissais d'avance... non, je trépignais d'impatience. Mais nous avons tous deux été déçus.
Certes, la fleur des sables de saumon accompagnée de son morceau de bœuf fondant ainsi que le cochon de lomo et sa purée crémeuse étaient bons, mais j'ai trouvé que le chef avait la main lourde sur le sel : tout était trop salé. Le fameux riz au lait était accompagné d'un mélange divin de pistaches, noix et amandes caramélisées et, de plus, servi en quantité gargantuesque — on vous pose un bol immense sur la table, avec une cuillère en bois plantée en son milieu, et vous en prenez autant que vous voulez, sachant qu'il y en a assez pour quatre personnes au moins. Mais je vais chipoter à cause des "grumeaux" de riz, pas forcément très agréables en bouche...
Pourtant, ce n'est rien par rapport aux deux choses qui m'ont le plus gênée :
1) L'ambiance bouffe-entre-potes-tout-le-monde-connaît-tout-le-monde, le défilé incessant des proches/amis/adorateurs du chef pour le féliciter en cuisine, avec force embrassades, le bichonnage et le soin extrême apporté au dressage de leurs assiettes (une rondelle de machin par-ci, un morceau de truc par-là), quand vous constatez que dans la vôtre, d'assiette, il y a juste le strict minimum. Pas de rondelle de machin, ni de morceau de truc. De quoi vous donner l'impression d'être un client au rabais. Vous vous demandez un peu ce que vous faites là, du coup.
2) L'acharnement du chef sur l'un de ses commis, auquel nous avons été forcés d'assister durant la moitié du repas, car nous étions installés tout près de la cuisine. Il n'y a rien de tel pour vous gâcher un repas, fût-il exquis. Je sais à quel point l'atmosphère peut être tendue en cuisine parfois et qu'il est nécessaire de recadrer ceux qui font des erreurs, mais en l'occurrence, le choix d'une cuisine ouverte est-il pertinent ? Voir et entendre un employé se faire humilier de la sorte, ça jure un peu avec l'ambiance conviviale du lieu.
Par ailleurs, la note aussi est un peu salée — 42 € le menu du jour, je vous laisse imaginer les prix à la carte —, donc pour toutes ces raisons, je ne suis pas sûre d'avoir envie d'y retourner.
Dommage.

Heureusement, la veille, il y avait quand même eu un dîner à la Régalade, un dîner de double anniversaire avec Crevette — le mien et le nôtre, vingt ans d'amitié depuis notre rencontre au lycée. Et ce fut parfait, comme toujours. Générosité de la terrine, cuisson impeccable des poissons, justesse des assaisonnements, harmonie des saveurs, ambiance décontractée et service affable... Alors, c'est vrai que la carte ne se renouvelle pas beaucoup et que l'on tourne toujours un peu autour des mêmes plats, mais le plus important est de se régaler et de passer un bon moment, non ?


Mon entrée : fantastique ! Le thon rouge snacké sur son lit de caviar d'aubergine, la petite salade d'herbes aromatiques, le filet de sauce... J'en aurais voulu encore et encore. J'ai aussi goûté l'entrée de Crevette, le risotto à l'encre de seiche, avec ses petits morceaux de gambas et d'ail frit. Pas mal du tout.


Une magnifique pièce de cabillaud, tendre, nacrée. Des pommes de terre cuites au bouillon, fondantes. La présence de fromage est déconcertante au premier abord, mais l'ensemble fonctionne bien. C'est très bon.


Pour une fois, je n'ai pas pris le riz au lait, parce que l'Ami Jean le lendemain, mais je n'ai pas eu de regret : le crumble était tout à fait à la hauteur. Le côté un peu salé de la glace — était-ce vraiment un sorbet ? — contrebalançait bien le sucré du crumble.

Serez-vous surpris si je vous dis que la Régalade reste mon restaurant préféré de la terre, mon restaurant doudou, et que désormais, je ne souhaite plus fêter mon anniversaire ailleurs ?

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Il y a quelques semaines, suite à la lecture de ce billet et à des discussions sur l'orthodoxie de la Sachertorte, j'ai eu une soudaine et irrépressible envie de retrouver le goût de la vraie Sachertorte de là-bas, avec son glaçage qui fait une sorte de croûte chocolatée très sucrée. En quelques clics, comme ça, pour voir, une commande fut passée chez Demel, et moins d'une semaine plus tard, la Sachertorte Gr. 3 arrivait dans ma boîte aux lettres. Vous ne trouvez pas ça dingue ?


J'avoue que je me suis fait plaisir, parce que je sais que je n'en mangerai pas en contexte avant longtemps... et qu'avoir un petit goût de Vienne chez soi, c'est mieux que rien.


On peut aussi la commander sur la boutique en ligne de l'Hotel Sacher — je l'ai déjà fait, et les deux versions se valent.

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Et puis, j'ai enfin trouvé le courage de me lancer dans la confection d'un entremets que je voulais faire l'année dernière déjà : le Yu de Pierre Hermé selon Loukoum°°°, que j'avais eu la chance de goûter suite à cette escapade à Strasbourg. En revanche, je n'ai pas du tout le courage de recopier la recette, qui fait des kilomètres. Vous pouvez vous fier aux instructions de Loukoum°°° : elle sait ce qu'elle fait.


L'entremets, dont la préparation nécessita quasiment une journée, fut dégusté en famille, lors d'un triple anniversaire... J'étais très heureuse de voir mes cousins, ma plus-si-petite Nini, mon petit glouton de M., qui est accro au pain et aux bananes — plus tard, il faudra que je lui fasse goûter mon pain préféré et que je mette la main sur une bonne recette de banana bread pas trop riche ; d'ailleurs, cette recette me tente bien...
Et puis, déluge de cadeaux, livres à gogo...

C'était tellement chouette que j'ai même oublié, le temps de cet anniversaire, dans quel pétrin je me trouve en ce moment.

vendredi 21 octobre 2011

C'était encore l'été... (les figues de septembre et les salades fétiches)


Je voulais vous parler de plein plein de choses... Mais j'ai laissé filer le temps et j'ai accumulé un retard monstre sur ce que j'avais prévu de vous raconter...

Je voulais vous parler du pain des amis et vous dire de l'oublier, oui, de l'oublier, parce que grâce à mon nouvel ami, le Painrisien, j'en ai trouvé un meilleur cet été. Il s'agit d'une sorte de jumeau, le pain préféré de Jean-Paul Mathon : un pain à la croûte rustique, bien cuite et au goût légèrement fumé, avec une mie souple et voluptueuse, et qui dégage en plus un parfum absolument envoûtant — il m'est arrivé plusieurs fois d'aller au cinéma après m'être approvisionnée en pain préféré, et d'avoir dans les narines son odeur entêtante échappée de mon cabas (pourtant fermé) durant tout le film. Sachez que le beurre salé lui va à ravir et qu'il est idéal pour saucer son assiette — même si cela ne se fait pas, théoriquement.
Pour tout vous dire, je suis devenue totalement accro à ce pain, et je n'hésite pas à traverser trois arrondissements pour aller faire mes réserves — comme il se congèle très bien, j'en prends toujours deux morceaux, cela me permet de faire le trajet pas plus de deux fois par semaine.

Ne vous fiez pas à sa forme cubique et sa découpe nette un peu froides.
C'est au contraire un pain très sensuel...

En fait, Jean-Paul Mathon n'est autre que celui qui a formé Christophe Vasseur. En me rendant à sa boulangerie, La Gambette à Pain, début août, j'ai découvert que Christophe Vasseur n'avait rien inventé avec son pain des amis, ses chaussons à la pomme fraîche, sa mouna, ses petits pains salés fourrés, ses tartes feuilletées, même si ses produits sont d'excellente qualité...
Finalement, quitte à traverser Paris, je préfère aller à La Gambette à Pain car : 1) le pain préféré développe des arômes plus complexes et marqués que celui des amis, et a ma préférence, 2) les pains au chocolat (à la farine T80, tout comme le reste des viennoiseries) sont meilleurs, d'un format plus généreux et, divine surprise, ne dégagent aucune sensation de gras, 3) ils font un flan pâtissier à mourir, avec une crème hyper soyeuse et fondante — et vous savez sans doute à quel point j'aime les flans —, 4) enfin, un boulanger qui s'octroie une longue pause pour aller apprendre le chinois à Taïwan (!) et qui exerce son métier en cultivant une certaine discrétion n'est pas pour me déplaire.

Pour tout cela, croyez-moi, ça vaut le coup de traverser Paris et d'aller se perdre au fin fond du 20ème — vu de mon sud parisien. Autrement, si un jour vous allez voir une pièce à La Colline ou devez, pour une raison quelconque, vous rendre au Rectorat de Paris, c'est l'occasion d'y faire un tour.

La Gambette à Pain
86, avenue Gambetta
75020 Paris
01 43 64 52 34
M° Pelleport ou Saint-Fargeau (ligne 3bis) ou Gambetta (lignes 3 et 3bis)
Ouvert du lundi au vendredi de 7h30 à 20h
(pain préféré disponible à partir de 10h)

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C'était encore l'été quand une amie est venue à la maison un dimanche pour cuisiner avec moi. Nous nous étions mises d'accord pour préparer une moussaka, parce que c'était un plat que je n'avais jamais osé faire mais qu'elle maîtrisait... Du coup, j'étais ravie d'avoir cette petite leçon de cuisine avec elle.
Je n'ai pas l'habitude de cuisiner à quatre mains, mais la répartition des tâches s'est faite tout naturellement : elle s'occupant de la viande et de la béchamel, moi de la cuisson des aubergines et du montage. Pour accompagner la moussaka, il y eut une simple salade de tomates anciennes — pas de dessin car pas de photo potable de l'assiette —, et j'avais préparé pour le dessert une glace fior di latte que nous avons mangée avec des figues poêlées au miel... — et là, évidemment, c'est plus photo- et graphigénique.


De quoi avons-nous discuté ce jour-là ? J'avoue que je ne sais plus très bien — mon cerveau commence à se ramollir... — mais c'était chouette, puisque nous allons remettre ça très bientôt, chez elle cette fois-ci. Hé hé.

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C'était encore l'été quand je me suis rendue, un jour de septembre, dans le petit studio de Rachel Khoo pour un déjeuner très convoité, en compagnie de Cléo et Mary Kay — Rachel s'étant trompée dans ses réservations, nous étions exceptionnellement trois invitées au lieu de deux.
J'avoue avoir assez peu participé à la conversation durant ce repas, fidèle à mes habitudes insociables — vous ai-je déjà raconté mes années de maternelle passées sans dire un seul mot à la maîtresse...? —, mais la bonne humeur, l'énergie et l'irrésistible accent british de Rachel, sa concentration/décontraction en cuisine... tout cela fut délicieux à observer — pour le reste, je n'ai pas voulu être trop intrusive, mais sa garde-robe a l'air très chouette.
J'ai été charmée par sa cuisine pétillante et inspirée : les crackers en forme de Tour Eiffel, la petite caille farcie aux marrons et aux pommes, à la chair bien tendre, les choux de Bruxelles crus en salade, une vraie découverte, la clémentine pochée avec le croquant de la meringue, le tout recouvert de sauce au chocolat...
Tenez, voici l'entrée en image, qui fait très My Little Paris Kitchen.

Sachez que derrière la Tour Eiffel se cache un cracker en forme de flocon de neige,
détail pour le moins amusant pour une assiette estivale.


Merci Rachel pour ce repas exquis ! Je suis à présent impatiente de découvrir le livre.

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C'était encore un peu l'été quand je suis allée voir Habemus Papam un matin, après une séance de piscine et un petit déjeuner chez Exki. Ce qui suit va sans doute vous paraître étrange, mais durant le film, je suis tombée en amour — oui, vous avez bien lu — avec un Michel Piccoli touché par la grâce dans ce rôle de pape en plein doute et en plein questionnement existentiel. Sans doute l'un de ses plus beaux rôles. Cela m'a donné envie de (re)découvrir sa filmographie, et puis aussi de revoir les films de Nanni Moretti, en particulier Caro diario et Aprile, qui m'avaient enthousiasmée au moment de leur sortie en salles.

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Enfin, il faut que je vous parle de deux recettes, découvertes il y a deux, trois ans déjà, et qui sont devenues des classiques chez moi. Tout d'abord, une salade de haricots verts avec une vinaigrette à la sauce soja, parsemée d'amandes grillées et agrémentée de force coriandre, que je ne peux m'empêcher de faire dès que j'ai des haricots verts — ils sont vraiment sublimés par cette recette. Et une frita, goûtée et adorée lors d'un pique-nique aux Tuileries, et dont nous nous régalons très souvent l'été. Il faut que vous les essayiez — enfin, ce sera pour l'été prochain maintenant.

Salade de haricots verts à la coriandre et aux amandes
(merci Marion ! Recette originale ici)


500 g de haricots verts équeutés
1 poignée d'amandes entières (non mondées)
1 + 1 c.s. de sauce soja (ici : Kikkoman)
2 c.s. de vinaigre de riz
1 c.s. d'huile neutre
1 gousse d'ail émincée
1/2 à 1 c.c. de gingembre frais râpé (facultatif)
1 petite échalote émincée
feuilles de coriandre

Faire chauffer une poêle anti-adhésive, et y faire torréfier les amandes à feu moyen.
Hors du feu, ajouter 1 c.s. de sauce soja et mélanger rapidement avec une cuillère afin que la sauce recouvre les amandes.
Déposer sur une assiette et réserver.

Faire cuire les haricots verts dans un grand volume d'eau bouillante salée, entre 5 et 10 minutes (plutôt 10 minutes pour moi).
Égoutter les haricots, les rincer sous un filet d'eau froide afin de stopper leur cuisson, et les égoutter à nouveau.
Laisser refroidir.

Préparer la vinaigrette en mélangeant le vinaigre de riz, l'huile, l'ail, le gingembre, et la cuillère de sauce soja restante.
Verser sur les haricots et bien mélanger.
Concasser grossièrement les amandes et les répartir sur la salade avec la coriandre fraîche et l'échalote émincée.
Servir immédiatement — avec du riz, c'est très très bon.


La frita de Gracianne
(recette originale ici)


4 poivrons rouges
2 boîtes de tomates concassées
1/2 verre d'huile d'olive
4 gousses d'ail pelées
4 feuilles de laurier
sel, poivre, piment d'Espelette

Dans une grande poêle anti-adhésive, verser l'huile d'olive puis les tomates.
Ajouter l'ail, le laurier, couvrir et laisser cuire à feu moyen-doux pendant une heure environ, jusqu'à ce que la sauce soit bien dense.

Pendant ce temps-là, épépiner les poivrons, les couper en quatre, et les mettre à griller au four (sur une plaque recouverte de papier alu) à 200 °C, jusqu'à ce qu'ils soient cloqués et noircis de toutes parts.
Refermer (hermétiquement) la feuille d'alu sur les morceaux de poivrons, et laisser refroidir.
Peler les poivrons et les couper en lanières.

Quand la sauce est bien dense, ajouter les poivrons, le sel, le poivre et le piment d'Espelette et laisser cuire encore une bonne heure jusqu'à ce que toute l'humidité s'évapore.
Rectifier l'assaisonnement et laisser refroidir complètement avant de servir — avec du bon pain, par exemple.

vendredi 7 octobre 2011

Renée et le Goéland (et Henri à Paris)


G. m'avait dit que c'était la meilleure crêperie de l'île.
La première fois, nous y avons atterri un peu par hasard, au terme d'une longue marche sous le soleil entre Goulphar et Bangor. Le restaurant était fermé, mais nous n'avons pu nous empêcher de nous poser un moment à l'ombre de la terrasse, harassés par la fatigue et la chaleur inattendue de ce jour-là.
Le lendemain, nous y étions pour déjeuner, avant l'arrivée de la pluie et des bourrasques. Installés à une table sous le figuier. La seule entorse faite à ma psychorigidité fut d'adjoindre un peu de coulis de tomate — maison, m'a-t-on précisé — à mon immuable galette complète. Centre souple et moelleux, bords croustillants, pliage simple laissant voir tous les ingrédients, harmonie parfaite... J'aurais pu en prendre une deuxième tant il est rare d'en manger d'aussi réussies. Sachez que les crêpes et galettes sucrées sont à l'avenant.
Le dernier jour, parce que c'était le dernier jour, parce que paumés dans la lande de Borderune autour de midi, nous avions quasiment perdu tout espoir de choper le Taol Mor au carrefour de l'Apothicairerie, mais qu'un vieux couple nantais rencontré par hasard avait accepté de nous emmener à Bangor dans sa voiture de location et que, finalement, nous étions arrivés in extremis pour déjeuner chez Renée, de joie, je pris deux crêpes au chocolat pour le dessert, après la complète-tomate de rigueur.

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Parmi les choses hautement salivantes dont G. m'avait parlé, il y avait des viandes de Belle-Île cuites dans la cheminée, des filets de sardines marinées, des poissons ultra frais... à déguster au Goéland, dans une "ambiance pub british" (sic). L'évocation de l'entrecôte grillée au feu de bois et des frites maison m'avait alléchée — vous connaissez, je crois, depuis le temps, mon goût immodéré pour la viande de bœuf grillée — et je ne fus pas déçue : l'entrecôte avait une saveur intense, incroyable, due au feu de bois. J'étais aux anges.
Si j'avais une critique à formuler, je dirais juste que j'aurais aimé avoir un peu moins de salade et un peu plus de frites — délicieuses elles aussi, même si les frites De Clercq, au blanc de bœuf, sont meilleures... mais je chipote.

Tout ce teasing et cette attente pour un steak frites, oui.

Un autre jour, je goûtai l'assiette de "charcuterie" de la mer, une entrée pour deux qui me fit office de plat principal : filets de sardines et lisettes crues marinées, tartare de saumon et de bar (si mes souvenirs sont bons), rillettes de maquereaux, le tout servi avec du pain grillé.
Comme un festival de poissons dans l'assiette.

(message personnel : G., c'était ça, le dessin "raté")

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Il y eut aussi, en plus des pique-niques sauvages dans nos chambres d'hôtel successives, un vrai pique-nique en plein air, et quel air ! Le grand air de la Pointe du Skeul. Seuls, au milieu des rochers et de l'océan.
Après avoir posé nos bicyclettes, nous avons déballé très soigneusement nos vivres, en prenant garde qu'aucun papier ne s'envole : pain "vitalité", émietté de thon à l'escabèche, tomates cerises et pommes du marché, kouign amann (non mangé finalement). Et nous avons savouré ce repas en regardant les vagues, l'océan presque turquoise au loin, les rochers tachés de jaune par endroits.
Ce n'est pas tant le repas, relativement frugal, que le moment qui nous a enchantés et qui est imprimé dans notre mémoire.


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Enfin, je ne résiste pas au bonheur de vous annoncer, si vous ne le savez pas encore, que Henri Le Roux — mon chocolatier préféré depuis qu'une amie, qui s'y connaît en bons chocolats, a eu la merveilleuse idée de glisser une mini-tablette de Colombie dans une enveloppe en kraft et de me l'envoyer par la Poste — que mon chocolatier préféré, donc, va ouvrir une boutique à Paris au mois de décembre. Lorsque la vendeuse de la boutique de Quiberon m'a fait part de cette nouvelle, j'en ai bondi de joie. Je suis repartie avec moults Colombie et CBS®, et un sourire jusqu'aux oreilles. Vous pouvez être sûrs que j'y serai le jour de l'ouverture — en plus, ça tombe bien, c'est tout près de Cosi et Grom.


Crêperie Chez Renée
21, rue Sarah Bernhardt
56360 Bangor - Belle-Île-en-Mer
02 97 31 52 87
Ouvert du 1er avril au 30 septembre & pendant les vacances scolaires

Le Goéland
3, quai Vauban, quai de l'Yser
56360 Le Palais - Belle-Île-en-Mer
02 97 31 81 26
Ouvert de mars à fin novembre & pendant les vacances de décembre

Henri Le Roux (Quiberon)
18, rue de Port-Maria
56170 Quiberon
02 97 50 06 83
Ouvert du mardi au samedi, de 10h à 12h15 et de 14h à 19h

Henri Le Roux (Paris)
1, rue de Bourbon le Château
75006 Paris
(ouverture le 1er décembre 2011)


P. S. : En fait, j'aurais pu ajouter à cette petite sélection les fabuleuses langoustines dégustées à la terrasse du Café Clara, mais bon, vous les avez déjà vues.

jeudi 22 septembre 2011

Le goût des mûres insulaires


Notre tour a fini par arriver.
Nous avons pris un train à grande vitesse, puis un bus, puis un bateau qui tangue un tout petit peu.
Et à l'arrivée, cette île et l'impression d'être au bout du monde.




















C'est en trench, jupette et derbies — tenue appropriée s'il en est — que j'ai parcouru les sentiers côtiers et la lande bretonne durant cette semaine. Je cherchais le grand air, l'océan, les vagues qui se fracassent sur les rochers. Nous avons trouvé en sus des mûres à profusion, petites pépites noires dont nous nous sommes délectés au gré des balades et qui ont immanquablement taché nos doigts gourmands. Oserais-je dire qu'il s'agit du souvenir le plus prégnant de ces vacances ?

Évidemment, j'ai repensé à ces mots que Monet avait écrits à son ami Caillebotte de Kervilahouen : "je suis ici dans un pays superbe de sauvagerie, un amoncellement de rochers terrible et une mer invraisemblable de couleurs : je suis très emballé quoique ayant bien du mal, car j'étais habitué à peindre la Manche et j'avais forcément ma routine, mais l'Océan, c'est tout autre chose."
Et puis j'ai pensé à elle aussi.

J'ai déjà la nostalgie du ciel et de la lumière infiniment changeants de Belle-Île, un lieu rêvé pour les contemplatifs de mon espèce.
Il aura suffi d'une fois pour que j'en tombe amoureuse.

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P. S. : J'aurais aimé poster un ou deux dessins, mais je me suis essayée à l'aquarelle pour le carnet de voyage, et malheureusement, ce n'est pas montrable. Désolée.
En revanche, si vous êtes patients — et je sais que vous l'êtes, puisque vous me lisez encore —, je vous redessinerai quelques-unes des choses exquises que nous avons mangées là-bas.

samedi 27 août 2011

Les jours oisifs et le Yashica


Il n'y a pas eu de départ ; il n'y a pas eu de retour.

Il y a eu le canapé, les siestes et les lectures.
La radio autrichienne en fond sonore.
Les séances de ciné et de piscine matutinales.
Et aussi de longues heures à ma terrasse préférée.




















Je n'ai rien fait de cet été.

vendredi 5 août 2011

Le bruit blanc de l'été (de l'anatomie des wagashi à la sauce tomate)


Chaque année depuis la fin de la thèse, l'été revient sous la même forme oisive et indolente. Je ne l'ai pas cherché, c'est ainsi. À la joie de pouvoir me consacrer tout entière à ce que j'aime — lecture, cinéma, dessin, photo, dans le désordre — succèdent très vite les questionnements, le doute, l'angoisse. Ai-je ma place dans ce monde du travail ? Saurai-je m'adapter et apprendre à nouveau encore et encore ? Serai-je assez efficace, performante, proactive (sic) ? J'avoue qu'une certaine lassitude m'envahit à l'idée de devoir tout recommencer une fois de plus. Si vous saviez comme c'est épuisant.

Durant cet été vide et dépeuplé, ce sont des personnages de cinéma qui me tiennent compagnie le plus clair du temps. Parmi eux, Camille et sa solitude, qui a résonné en moi si fort ; Victor, raté magnifique en quête de salut, et sa fille Pamela, adolescente sensible prête à pardonner ; mais aussi et surtout la petite Laure/Michaël, touchant et troublant tomboy dans le film éponyme de Céline Sciamma, le plus éblouissant, sans doute, que j'ai vu cette année. Il y a une mélancolie infinie dans le regard bleu ciel de Laure/Michaël, et au-delà de tout ce que j'ai aimé dans cette histoire — les moments de complicité et de tendresse entre sœurs, les subterfuges pour paraître crédible en garçon, l'attirance de Lisa pour Michaël — , j'ai été très émue par cette scène finale qui sonne comme une seconde chance. Pleine d'espoir et de promesses.

De cet été, j'ai aussi envie de garder en mémoire ce très long trajet en bus, un jour de déluge, durant lequel je me suis plongée dans la lecture d'un livre fantastique (merci Cléo de m'avoir convaincue) en grignotant un escargot citron-nougat de chez qui-vous-savez. Et puis ce moment fugace dans les couloirs du métro, où j'ai eu des frissons plein la peau en entendant au loin la mélodie de Liang Zhu jouée au erhu (une version roots & amateur ici) : l'été 1998 m'est revenu en mémoire, la chaleur et la moiteur de Pékin, les matinées studieuses à l'Académie des Sciences Sociales, les plats de la cantine à aller chercher avec sa propre gamelle (en acier émaillé), les explorations solitaires, les moments de calme et de sérénité dans les temples... Le musicien chinois a levé la tête à mon passage, et esquissé un sourire.

Avant d'entrer dans le noyau dur de l'été — le noyau dur de l'été, c'est quand tous vos amis sont partis en vacances, et que vous vous cassez le nez devant tous vos commerces préférés, qui ont baissé leur rideau —, avant le noyau dur de l'été, donc, il y aura tout de même eu un pique-nique japonais réjouissant, avec une dégustation surprise de wagashi orchestrée par une amie qui commence à bien me connaître. Mais aucune de nous deux n'eut le cœur à disséquer le petit poisson.






(Bon, c'est sûr, il faut aimer les azuki...)

Là où je profite pleinement de la saison estivale, c'est avec les yaourts du matin truffés de fruits rouges, et l'arrivée de belles tomates savoureuses qui, coupées en petits dés, accompagnent à merveille les spaghetti, ou bien permettent de faire une sauce du tonnerre : Pim a trouvé un truc pour qu'elle ait un bon goût de tomate fraîche en plus d'être assez rapide à préparer, car il n'y a pas de long mijotage. C'est le quatrième été où nous nous régalons de cette super sauce tomate, il était peut-être temps que je vous en parle.

La super sauce tomate de Pim (sa recette en images ici)


pour 2 personnes

1,1 kg de tomates mûres (environ 8 tomates de taille moyenne, ou 3 belles Marmande ou cœurs de bœuf)
2 grosses ou 3 petites gousses d'ail
2 c.c. de sucre
1/2 c.s. de vinaigre balsamique (facultatif)
1/2 à 1 c.c. de piment d'Espelette
huile d'olive
sel, poivre

Inciser les tomates, les ébouillanter environ 30 secondes, les passer sous l'eau froide et les monder (ou bien les peler directement avec un Zyliss).
Couper les tomates en deux et les presser pour enlever l'eau de végétation et les pépins (ce n'est pas grave s'il en reste un peu : il paraît que c'est dans les pépins que réside tout l'umami des tomates), puis les concasser.
Dégermer et hacher les gousses d'ail.
Dans une grande poêle ou sauteuse, faire chauffer un peu d'huile d'olive à feu moyen puis ajouter l'ail haché.
Ajouter rapidement les tomates ainsi qu'une pincée de sel, et laisser cuire à feu vif jusqu'à ce que l'eau se dissocie de la pulpe.
Retirer la pulpe à l'aide d'une écumoire et laisser réduire le jus jusqu'à ce qu'une cuillère en bois laisse une marque nette au fond de la poêle.
Remettre la pulpe dans la poêle.
Saler, poivrer, ajouter le vinaigre balsamique, le sucre et le piment d'Espelette, et bien mélanger.